Une nouvelle matinée venait de s'achever. Elle n'avait pas plus d’intérêt que les autres, il fallait bien l'avouer. Le métier de bibliothécaire était prôné comme LE métier enrichissant culturellement parlant, intéressant, où on en apprend tous les jours. Sauf que je trouvais ça plus ennuyant qu'autre choses certains jours. C'était répétitif. Je ne voyais pas vraiment en quoi trier des livres et accueillir les visiteurs relevaient de quelque chose d'exaltant. Il ne fallait pas se voiler la face, c'est ce que je faisais la plupart du temps. Pour un peu que les gens soient de mauvaise humeur, et j'avais gagné ma journée. Enfin, me plaindre ne servait à rien. Si l'on gardait juste le coté positif de la chose, il ne me restait qu'une après-midi avant d’être en week-end, et de ce fait, de pouvoir passer un peu plus de temps avec ma fille. Cette simple pensée suffisait à me rendre un semblant de sourire. Ce qui, par déduction, me permettait de paraître agréable aux yeux des gens se trouvant dans la bibliothèque. Tout un stratagème à adopter. En ayant eu l'occasion, je n'avais pas hésité longtemps à l'envie de sortir un peu pendant ma pause du midi. Rien que prendre un café au Nob Hill, à deux pas de la bibliothèque, me permettait d'évacuer un peu. Alors je n'y avais pas réfléchi à deux fois, franchissant le pas de la porte du café comme si j'étais une vieille habituée. Quoique, je me considérais habituée des lieux, mais la dernière fois où j'y étais allée … remonter à très loin. Peut-être bien un mois, deux ? Pour une fana de café comme moi, ça relevait de l'exploit. Et un exploit, c'est non négligeable.
Comme j'en avais l'habitude, je m'installais à la table dans le coin de la pièce, contre la fenêtre. D'ici je pouvais observer ce qui se passait dehors, à l'intérieur. Et étant donné que j'observais souvent les gens, ça me laissait un champ libre. Quand je venais ici seule, soit j'avais un bouquin passionnant dans la main, soit je m'autorisais à me laisser griser par mes pensées le temps d'une petite heure. J'attendis quelques petites minutes avant qu'une serveuse ne vienne me demander ce que je prenais. Une fois la chose faite, je la suivais du regard alors qu'elle regagnait le bar. Mon regard curieux se promena dans la pièce, s’arrêtant sur quelques détails insignifiants sans jamais y accorder d'importance. Ce café était intemporel. Quand on était à l'intérieur, on avait l'impression que le temps se figeait. La décoration, la disposition des tables, rien ne changeait jamais. A part peut-être les employés... Il y avait bien quelques personnes que j'avais toujours vues ici, mais il y en avait d'autres qui semblaient être nouveaux. Me cherchant des exemples, mon regard se posa sur le dos d'un homme occupé à servir les commandes à une table, un peu plus loin. Quand il tourna la tête vers moi, ou du moins vers les tables aux alentours, je sentis mon cœur s’arrêter. Une peur panique grimpa en moi, me faisant trembler. Je me retenais à grande peine de ne pas me lever pour détaler en courant. Je baissais les yeux sur la table, respirant profondément. Ce n'était pas possible. Tout simplement impossible. C'était juste une ressemblance physique, voire même un sosie. Après tout, il existait une théorie comme quoi nous avions tous au moins un sosie dans le monde entier. Pour autant, je n'arrivais pas à me calmer. Je dévisageais à tour de rôle la table et cet homme. Il ressemblait à Luke. Beaucoup trop pour que je passe outre. Ce n'était sûrement pas la peine de s'affoler pour si peu... Mais même moi, je n'arrivais pas à me convaincre. Je ne pouvais pas m’empêcher de me souvenir des dernières fois où je l'avais vu. De la violence dont il avait fait preuve. Des menaces qu'il avait sciemment mis à exécution. De la paranoïa qui m'avait pourri la vie quand j'étais arrivée à SF, la peur du fait qu'il cherche à me retrouver. Ce n'était qu'un drôle de hasard. Il fallait que je me raisonne. Luke, serveur dans un café... En temps normal, cela m'aurait fait bien rire. Mais là, l'incertitude me bouffait trop pour que je ne puisse ne serait-ce émettre le moindre sourire.
Mes nerfs ne supportaient pas ça, mais je n'arrivais pas à décoller mon regard de la silhouette de l'homme. Il venait par ici avec mon café. Pourquoi est-ce qu'il fallait que le destin me joue un si mauvais tour ? Une mine sombre sur le visage, je n'esquissais aucuns mouvement, le laissant venir jusqu'à ma table de façon... impassible ? Rien ne filtrait sur mon visage. Chose incroyable vu les émotions qui me submergeaient à l'intérieur. Nos yeux se croisèrent le temps d'un instant qui suffit à confirmer mes craintes. Ce regard, je le connaissais par cœur. Je l'avais connu heureux, amusé, envieux, déçu, triste, en colère, perdu. Perdu quand l'alcool dirigeait ses faits et gestes. Je ne me sentais plus capable de lui pardonner tout ça. Le café était devant moi, et pourtant, il ne bougeait pas, restant ici. Ma gorge était bien trop serrée pour que je trouve les mots à dire. J'hésitais entre pleurer et hurler. Si il ne s'éloignait pas, il se prendrait une claque. Ce serait encore bien maigré comparé à ce qu'il méritait.
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Luke Easton
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Sujet: Re: No more sorrow. [Luke] Lun 11 Fév - 14:34
“No more sorrow ”
Luke fait ci, Luke fait ça... Ca fait à peine deux jours que je suis employé ici, et j'ai toujours pas eu une seconde de répis. Bon ok, c'est ma période test, d'accord je n'ai jamais travaillé là dedans. Mais ils abuseraient pas un petit peu là ? Mes pieds en sont réduits à l'aspect guimauve et mes mains sont entaillés comme si je passais ma vie à casser des verres. Je veux bien être conciliant, je veux bien même faire des efforts pour m'intégrer mais faut pas non plus me prendre pour le dernier des cons. Je vois déjà toutes ces critiques sortirent de leur bouche : "Oui mais il a passé sa vie derrière un bureau, il ne peut pas être doué pour tout". Ben voyons. Et si je vous y mettais moi derrière un bureau hein ? Bon d'accord là je râle beaucoup, mais faut pas croire que je ne m'active pas. Depuis ce matin une foule, plus abondante que d'ordinaire, vient prendre son petit déjeuné, leur pause café, ou bien même leur repas midi. Bien entendu ce n'est pas un grand restaurant, mais pour les clients fidèles il arrive que le Nob Hill Cafe serve quelques sandwich aux heures de pointes, ce qui amène forcément plus de monde.
Enfin quoi qu'il en soit mon service est bientôt terminé, je pourrai enfin retourner chez moi, prendre une bonne douche et m'endormir comme un bébé. Je sais on dirait un petit vieux... Mais je fais ce que je peux ! De toute façon mon médecin m'a clairement proscrit du repos. Pour une fois que j'écoute ce que l'on me dit, on va pas non plus m'en blâmer n'est ce pas ? Les clients commençaient à se faire plus rare. Tant mieux. Je pouvais donc observer un peu plus autour de moi, tentant tant bien que mal de prendre mes repères. Pas facile quand on vous gueule sur le dos toutes les cinq minutes me direz vous. Mais bon il m'en faudra plus pour me faire quitter cet endroit. Quoi que avec mon foutu caractère qui sait... Toujours est-il qu'il était bon de vivre loin de Newcastle. Là bas je commençais à devenir fou. Entre les coups bas, mes sauts d'humeur, et mon psy...
Accoudé au bar j'attendais les prochains clients, quand une collègue me demanda d'aller servir un café à la table numéro 10. Bien en plus d'apprendre toutes les sortes de cafés existant, fallait en plus retenir le plan de la salle... Enfin bref, après avoir gentillement demandé où elle se trouvait, je dirige mon regard vers la table avant de voir... Tess. Manquant de faire tomber mon plateau, je ne pouvais pas la quitter des yeux. Et apparemment elle non plus... Bizarrement la chaleur accumulée tout au long de la journée s'envola rapidement laissant place à un frisson. Ca ne pouvait être une coïncidence. Elle venait certainement réclamer des dédommagements pour ce que je lui ai fait autrefois... Baissant le regard je pris soin de ramasser la tasse sur le plateau qui avait débordée et de recommander un autre café. Maintenant j'avais un choix à faire. Encore un, mais cette fois je devrais faire le bon... Aller la voir, lui servir le café, peut être m'excuser, lui avouer que j'avais changé, et tout repartirai, comme avant... Trop utopique... Mon deuxième choix consistait à passer la commande à une autre serveuse et la fuir. Ne plus la revoir, l'oublier pour de bon et passer à autre chose... Trop difficile... N'y avait-il pas de choix intermédiaire ? Sans doute pas... Pour me décider je m'autorisa un second regard dans sa direction. Cette fois ce fut moins brutal sans pour autant me laisser indifférent. Elle n'avait pas physiquement parlant changée, elle avait toujours se regard furtif, cette douceur corporelle... Mentalement, elle avait l'air heureuse... Heureuse comme jamais. Etais-je donc si puissant comme poison pour ne l'avoir jamais vu épanouie ainsi ? Peut être...
C'est certainement à ce moment précis que je me rendis compte qu'il fallait au moins que j'essaye de lui parler. Plus encore que je m'excuse pour tout le mal que j'ai du lui causer à l'époque... Confiant je me dirige vers sa table. Lui déposant son café. Et je suis resté là planté comme un piqué au milieu d'une pièce bondée de monde. Le pire dans tout ça c'est que je n'ai pas réussi à lui dégoiser un seul mot... Fallait vraiment être un abruti de première pour perdre une femme comme elle. Et bizarrement là dedans j'ai excellé. Bon mon grand faut te lancer là, parce que son regard en dit assez long dans le sens où si tu ne dis rien c'est une méchante claque que tu vas te prendre... De toute façon j'avais quoi à perdre ? Sachant que je l'avais déjà perdu il y a un moment.
"Tess... Ca fait longtemps."
Petit sourire en coin. Pathétique... J'étais censé m'excuser auprès d'elle, et moi j'enfonçais toujours un peu plus le clou. Surtout pour sortir des paroles totalement incompréhensibles... Et à la voir, surtout son regard noir, les choses n'allaient pas aller en s'arrangeant. Pris de panique, je fis quelques pas en direction du bar. Ce n'était sans doute pas le bon moment. Et si jamais je ne le revoyais plus ? Si elle quittait le café en courant ? Si elle me menaçait ? Je pense que je ne récolterais que ce que j'avais semé...
(c) Myuu.BANG!
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Sujet: Re: No more sorrow. [Luke] Jeu 21 Fév - 15:54
No more sorrow
Imaginez qu'on vous enfonce sciemment un poignard dans le coeur. C'était à peu près l'effet que j'avais ressenti en apercevant Luke ici, dans ce café où je venais pour me détendre la plupart du temps. Je ne pensais pas qu'un jour, ce lieu serait relié à un aussi mauvais souvenir. Tout comme je n'avais jamais songé revoir mon ex-mari. Les battements de mon coeur s'affolaient d'une façon bien négative. Il était juste à côté de moi alors que j'avais tout fait pour le fuir... Un échec cuisant. Il m'était arrivé de songer à la réaction que j'aurais si on en venait à se retrouver. Décidément, rien ne se serait passé d'une telle manière. Dans mon imagination, j'aurais été assez téméraire pour le descendre plus bas que terre histoire de lui montrer ce que j'avais ressenti lorsque nous étions ensemble. Et là, maintenant que j'en avais l'occasion. Tout le courage s'était échappé. J'étais comme tétanisée, incapable de bouger de ma chaise ou d'articuler le moindre mot. Pour dire quoi après tout ? Lui demander des comptes ? L'insulter comme il le méritait ? Tout ce que je n'avais jamais fait et, il fallait se rendre à l'évidence, n'étais toujours pas capable de faire. Les gens aux tables autour de nous buvaient ou grignotaient sans se douter un instant la tension présente ici. Je ne voulais pas faire de scène qui attirerait tous les regards. Je ne voulais tout simplement plus voir cet homme que j'avais autrefois aimé ici. Pourtant, détail curieux, il semblait travailler ici. Détail ridicule comparé à toutes les question qui envahissaient mon esprit. Face à mon silence persistant, il s'était à nouveau éloigné vers le bas. Au prix d'un effort énorme, je baissais les yeux sur mon café, détachant enfin le regard de Luke. Il fallait que je me ressaisisse, mais je n'y arrivais pas. Sans aucune envie, je bus une gorgée de la tasse.
Il se passa une bonne minute pendant laquelle mes yeux s'étaient immobilisés sur la table, mon esprit en profitant pour réfléchir, laissant des dizaines, des centaines de questions le traverser, et finalement le torturer. Pourquoi? Les réponses ne venaient pas. Je me remis à le fixer lui, comme si soudainement elles viendraient d'elles-même. Mais rien à faire. Je ne faisais que fixer un homme. Pas n'importe lequel : celui qui avait partagé ma vie, et qui m'avait offert la plus belle chose que je possédais aujourd'hui. Notre fille. Bien que je préférais dire "ma" fille. Il ne méritait pas ce titre. Parce que je ne lui avais pas donné cette chance. S'il restait dans le coin, si le destin continuait de s'acharner, je me doutais bien qu'un jour il finirait par découvrir ce que je lui avais caché en le quittant. Avais-je fait le bon choix ? Y avait-il quelque chose que je puisse me donner la peine de rattraper avec lui ? J'en savais foutrement rien. Je lui en voulais, je le détestais, j'avais juste envie de le voir disparaître du globe. Et je n'arrivais même pas à me convaincre de tout ça. Mes pires ennemis avaient toujours été mes doutes. Ils me bouffaient, me pourrissaient la vie, jusqu'à ce que je prenne une décision. Bonne ou mauvaise. Après, ils s’éteignaient. Sauf que dans certains cas, ils revenaient au galop.
Je tentais de souffler, de me calmer, mais je savais le combat perdu d'avance. Qu'est-ce que j'éprouvais ? De la peur, peur que tout recommence comme avant ? De la colère pour tout ce qu'il s'était passé entre nous ? De l'angoisse, par rapport à notre futur (s'il y en avait un) ? Et est-ce que je ressentais encore pour lui quelques sentiments ? Il aurait fallu que je sois folle. Je l'avais aveuglement aimé, et je n'en avais pas été que récompensée. Les mensonges, les tromperies, les coups, l'alcool qui entrait dans le jeu, c'était assez. Je ne voulais plus de tout ça. Je ne voulais plus souffrir comme je l'avais si mal supporté. Il ne comprenait pas ça. Il ne l'avait jamais compris. J'avais besoin de lui, mais il n'était jamais là. Un goût amer m'était resté dans la bouche. J'étais incapable de lui pardonner tout ça. Il était mon passé, j'avais juste envie qu'il y reste maintenant. Je me désespérais de voir à quel point j'avais foutu des années de ma vie en l'air pour lui. Il n'y aurait pas eu MA fille, notre mariage n'aurait eu aucune issue positive. Je me sentais lasse subitement. Lasse de lutter contre les aléas de la vie. Après tout, j'avais réussi à en finir une première fois avec lui. J'avais appris sur mes erreurs. Plus jamais il ne s'interposerait dans ma vie, ni dans celle d'Abby. Son regard faisait encore la navette entre la table qu'il devait servir et moi. Derrière mes grandes résolutions, je ne parvenais toujours pas à le regarder dans les yeux. Il faut croire que je n'étais pas encore prête à tout ça.
L'atmosphère se faisait trop oppressante pour moi. Je me sentais mal à l'aise. Les dernières gorgées de mon café furent liquidées sans même que je prenne le temps de les savourer. Je laissais l'argent pour le café sur la table, ne me sentant pas le courage d'aller au bar pour croiser Luke. Il fallait que je prenne le temps de réfléchir à cette rencontre. Les sentiments contradictoires m'étouffaient trop pour que je réagisse convenablement. Ce fut sans même un regard vers lui que je quittais le Nob Hill Cafe pour retrouver le froid de la rue, qui le glaça jusqu'aux os. Au moins ça, c'était réel. C'est par un coup de vent tout aussi frais que je remarquais mes larmes qui traçaient un sillon froid sur mes joues. Il ne pouvait plus rien m'arriver de pire aujourd'hui il semblerait.