La journée avait été claire et de loin très rémunératrice pour moi. J’avais eu de la chance. Je crois bien n’avoir jamais réuni autant d’argent en un jour. Vingt dollars. Une vraie fortune pour moi. Je pourrais donc m’acheter ce que je voulais pour manger et même aller me payer une douche dans un centre quelconque. Vers dix-sept heure, je me dirigeais donc vers le centre le plus proche ou je mangeais et prenais une douche pour pas un rond. J’avais même eu droit à des vêtements propres. Miteux sans aucun doute mais propres. Au moins je ne puerais pas ce soir.

Après mon repas et ma douche, je quittais le centre. Je ne m’y sentais pas en sécurité. N’importe qui peut vous dépouiller dans la nuit. Dans la rue aussi me direz-vous mais au moins dans cette dernière il y avait des lieux où se cacher. Et puis avec encore un peu de chance je pourrais pénétrer dans le cinéma et me cacher pour y dormir.

Je descendais donc la rue tout heureux de ma journée, chantonnant discrètement. La queue devant le cinéma me surpris. D’habitude il n’y avait personne. Ce ciné ne passait en général que des dobes. Aurait-il pour la première fois déniché la perle rare ? Je m’arrêtais devant les affiches. Green lantern…. Encore un comics de massacrer, Captain America….. Idem. Plus je parcourais les affiches et plus je me demandais si pour attirer du monde il n’avait pas bradés les places. Puis mes yeux se posèrent sur une affiche avec un grand singe levant le poing. Non impossible.

Et pourtant, ce cinéma passait «La planète des singes : les origines.» Je regardais alors vers le guichet et lisais la petite affiche posée contre la vitre. Elle indiquait complet pour le film. Je haussais les épaules un peu dégoûté, me disant que si je n’avais pas traîné sous la douche je serais sans doute dans la file d’attente. Je retournais donc voir l’affiche pour me renseigner sur les prochains horaires. Demain vingt et une heures. Ben sa ira pour cette séance. Je commençais à partir quand un jeune garçon m’aborda. Il me dit s’appeler Sasha et avoir une place en trop pour ce soir.

Je le regardais d’abord perplexe et sortais mon argent de ma poche :

«Moi c’est Tristan. Ouai je veux bien. Combien je te dois ?»

Je reposais mes yeux sur lui en lui souriant. En plus d’avoir l’air sympa, il était séduisant, bien bâtit et brun au cheveux courts. Sans compter ses splendides yeux. Je le dévorais du regard. Mais je baissais rapidement les yeux me rendant compte de mon impolitesse. Avait-il remarqué ou non ?

Je ne savais vraiment pas ou me mettre quand il refusa que je lui rembourse la place. Je le remerciais, en rangeant mon argent dans ma poche, sans pour autant relever ma tête. Je savais pertinemment que j'étais tout rouge. Cela ne s'arrangea pas quand sa main releva cette dernière. Je tressaillis même tentant de ne pas croiser son regard. C'est alors qu'il m'assura qu'il étais comme moi. Et au vue de son sourire je compris rapidement ce dont il parlait.

Tout comme moi, il était gay. Je m'étais rendu compte de ce fait à mes quatorze ans quand en guise de cadeau d'anniversaire mes parents avaient ramené à la maison un de leur ami militaire alors en permission. Dès que je le vis, j'étais devenu tout rouge et après un poignet de main bien viril de sa part, j'étais retourné dans ma chambre sans un mot et le plus rapidement possible. Je sentais son regard se poser sur moi tout le long de l'escalier et apparemment mes parents l'avait vu aussi. En effet, quelques heures plus tard, mon père vint m'annoncer avec son habituel sourire sadique que Jeremy, de son vrai nom, dormirais avec moi pendant sa permission. Je savais très bien ce que cela voulait dire mais à la différence près que mon corps ne réagit pas de la même façon. Sous ses caresse je tressaillais, ses baisais m'enflammaient.

Mais revenons à nos moutons. Mon regard finit par rencontrer le magnifique de Sasha. C'est alors qu'il eu un mouvement de recul. Je baissais alors instantanément mes yeux et effaçais le petit sourire que je venais d'avoir. Je savais aussi que ce mouvement n'avais rien d'offensant et que ce n'étais pas de sa faute mais de la mienne. Effectivement, ne dit-on pas que les "yeux sont le miroir de l'âme" ? Il avait dû voir en moi la tristesse et la honte, le désespoir et l'envie d'en finir qui me rongeaient peu à peu, comme un feu pas assez vif pour me consumer mais toujours allumer et qui me brûle de l'intérieur. Cependant, il fît comme si de rien n'était et je le en suis reconnaissant. Au moins je n'aurais pas à inventer d'excuses bidon ce soir.

C'est alors que l'ouvreur nous cria d'entrer car le film allait commencer. Sasha me prit par la main, ce qui me fît frissonner, et se mît à courir m'exhortant de me presser si nous voulions avoir de bonnes places. Nous entrions en courant, zigzaguant entre les gens, passant dessus ou dessous les petites barrières. Tout était bon pour trouver les places idéales. De vrais gosses. Arrivés dans la salle nous dégotions les deux places de choix, celles que tous le monde veux parce qu'elles permettent de voir l'ensemble de l'écran d'un clin d’œil. Vous savez les deux places centrales au dernier rang, un peu surélevé pour pas être gêné par ceux qui sont devant.

Plusieurs personnes juraient en voyant déjà des gens ici. D'autres dégoutaient se plaçaient sur des places bien moins intéressantes. Nous nous étions cote à cote sur les meilleurs sièges du cinéma à n'en pas douter. Le film commença quelques minutes plus tard et je ne sais pas trop ce qui me prit, peut être une envie de le remercier ou quoi, en tous cas, je lui déposais un baisé sur la joue avant de poser ma tête sur son épaule.

Le film commença et j’y ce geste qu’apparemment il interpréta correctement car il m’entoura d’un bras protecteur me rapprochant un peu plus de lui. Pour une fois je me sentais bien, en sécurité et cela grâce à lui. J’aurais voulu faire quelque chose pour lui mais j’en étais incapable. Que pouvais-je bien faire moi qui n’avais rien ? Je me contentais donc de passer mon bras autour de lui et de me blottir du mieux que je le pouvais.

Je me sentais d’autant mieux que le méchant était si charismatique qu’il m’en faisait peur. Je sursautais à chacune de ses apparitions et dans les moments critiques. Mais il ne me faisait pas peur parce qu’il était méchant. Je savais bien qu’il n’était pas réel malgré des images de synthèse de très haute qualité. Non j’en avais peur parce qu’il représentait pour moi ce que j’avais vécu pendant des années. J’en frissonnais rien que d’y repenser. Mais le film contenait aussi des moments drôles et je riais alors de bon cœur avec Sasha. Posant mon regard sur lui, voulant lui parlais mais n’y arrivant pas. Je me contentais donc de gestes anodins. Lui prendre la main, le serrer un peu plus fort de temps à autres (surtout quand il y a le méchant). Bref rien de bien concluant. Quand Sasha me souligna qu'il aimait bien le méchant et le trouvait impressionnant, je me contentais de lui répondre un vague oui. Moi il me faisait peur alors je souhaitais pas m'étendre sur le sujet.

Puis la fin du film arriva bien trop vite à mon goût. J’aurais aimé que cela dur un peu plus longtemps. Voir même très longtemps. La salle se ralluma doucement alors que le générique défilait et que les gens partaient. Sasha et moi nous contentions de faire les gosses en tentant de voir qui serais le plus grand en tentant de s’étirer. Il gagna sans problèmes vu qu’il était déjà bien plus grand que moi. Je lui souriais alors qu’il se levait. Je restais alors figé. Il venait de s’étirer de tout son long laissant apparaître le bas de son torse. Sans savoir pourquoi j’approchais ma main puis me ravisais en détournant le regard alors que lui s’excusait. Tout rouge, je répondais sans oser lever les yeux vers lui :

«Non non pas grave t’en fais pas. Sa ne m’as pas gêné. Et ouai le film était génial merci.»

Bien au contraire même. Mais en même temps je m’en voulais d’avoir bloquais ainsi. C’était fort impoli :

«C’est moi qui m’excuse. Désolé»

J’espérais aussi qu’il n’est pas remarqué ma main qui s’approchait de son torse. Quelques minutes plus tard, nous sortions en silence. Un silence qu’il brisa en me demandant si sa me disais d’aller boire un coup avec lui. Bien sur que sa me plairais bien. Mais en même temps il m’offrait ce que je voulais :

«D’accord mais à condition que se soit moi qui paye»

J’avançais alors ma main pour prendre la sienne et me ravisais au dernier moment. Je ne savais vraiment pas ce qui me prenait. Jamais je n’avais agit ainsi. Alors pourquoi maintenant ? Et d’abord que m’arrivait-il ?

Quand Sasha me prit la main pour la mettre sur son coeur je tressaillis. Qu'est ce que cela pouvait-il bien dire ? Puis il posa la sienne sur le mien et se mit à réciter :


Quand il pouffa de rire alors que de mon côté je finissais aussi ce serment, j'éclatais aussi de rire. Puis il dit que je n'avais pas à payer pour ses idées ce que je trouvais sympa mais si je proposais c'est que je voulais le remercier. Et puis je le rassurais sur le fait que j'aimais bien sa présence et que je resterais le temps qu'il voudra. EN fait ce jeune garçon quelque peu étrange me faisais oublier qui j'étais vraiment. Ce que j'avais enduré et ce qui faisait de moi un SDF. Et de ça je lui en était reconnaissant.

Main dans la main nous rejoignions le bar. A côté de lui je me sentais différent. Comme si un autre moi apparaissait. Je sentais qu'il ne voulait pas que l'on parle de nos soucis respectifs mais plutôt que l'on passe un bon moment ensemble. Je lui en était reconnaissant car je n'aime pas mentir et il était hors de question que je gâche ce fabuleux moment avec mes inquiétudes et mes problèmes. On s'assit autour d'une table proche d'une baie vitrée et il leva la main pour faire venir un serveur tout en posant une question à laquelle je ne m'attendais pas :

"Alors, dis-moi. Tu vis plutôt bien ton homosexualité ? T’as pas eu trop de mal à l’accepter ? Moi je dois dire, qu’il m’a fallut tout de même 6 ans avant de l’accepter moi-même. Ouais, vraiment 6 ans, je sais c’est long...mais je voulais vraiment pas l’admettre."

Je le regardais surpris puis cherchais ma réponse en baissant les yeux. Voilà une question qui faisait que je ne savais quoi répondre. D'un côté la vérité, de l'autre un mensonge qui couperais court à la conversation. Mais quelque chose me disais que je pouvais être honnête avec lui. Je relevais alors les yeux et dis :

"Tu sais c'est pas simple pour moi car j'ai compris ce que j'étais sous les effets des brimades de mes parents. Alors des fois oui j'accepte, comme en ce moment avec toi, et des fois non, comme quand un homme me demande ses services dans la rue en échange d'argent pour manger."

Je faisait une pose et baissais les yeux puis continuais :

"Mais oui en général sa ne me gêne pas."

Le serveur arriva à nous et je lui commandais un diabolo menthe en regardant Sasha pour voir sa réaction.

Je rigolais quand Sasha me dis que j'étais connaisseur des bonnes choses. Un diabolo menthe. Et oui le fameux. Ma boisson préférée en fait. J'adore toutes ces petites bulles qui remontent en apportant le goût de la menthe. Mais pas n'importe quelle menthe. La menthe glacée. Celle bleu turquoise dont le goût te débouche les sinus en un instant. Je payais la somme demandais par le serveur qui me lança un regard froid quand il compris que je ne lui laisserais pas de pour-boire.

Mais je m'en foutais. J'avais l'habitude que les gens me détestent. Alors un de plus ou de moins. Par contre je baissais les yeux quand Sasha me regarda. J'avais honte. Je venais de passer pour un radin. Mais au lieu de demander pourquoi j'avais pas laisser de pour-boire au serveur il me lança :

"- Merci, Tristan. A ta santé “Tchin” Alors un diabolo menthe, hein ? Je vois que monsieur est connaisseur des bonnes choses. C’était ma boisson préférée à une époque ! Sinon, dis-moi…tu étudies à San Francisco ? Tu voudrais faire quoi plus tard ?"

Je baissais de nouveau les yeux. Apparemment il n'avait pas compris que je vivais dans la rue. Je relevais les yeux. Je tentais alors une réponse :

"Disons que je voudrais bien faire des études de sports ou d'économie. Mais mes moyen ne me le permettent pas. C'est pas la joie niveau financier. Et j'ai personne pour m'y aider."

Je ne voulais pas aller plus loin. Lui était très gentil avec moi et je ne voulais pas l'embrigader dans mes problèmes personnels. Et puis je n'avais pas à le faire. Qui me dis qu'il voulait entendre un adolescent se lamenter sur son sort ? Cependant il y avait une chose qu'il fallait que je lui dise.Je le fixais alors dans les yeux et lui prenait la main :

"Merci."

Je lui lâchais alors la main et renchérissais :

"Et toi alors t'es études ? Et sinon même question qu'à moi. Tu t'es découvert comment ? Tu l'accepte ?"

Encore une indiscrétion de ma part mais bon je voulais savoir. Et puis moi j'ai été honnête avec lui. Alors je souhaitais qu'il en face autant avec moi.