Vendredi soir était arrivé, enfin! Andrea avait attendu cela toute la semaine. ll commençait à ne vraiment plus supporter cette école, bien heureusement, il se réconfortait en se disant qu'il n'en aurait plus pour longtemps. C'était un cursus sur deux années, et il ne restait plus que quelques mois avant les examens finaux. Le temps était un peu plus frais que d'habitude aujourd'hui, et quelques gouttes d'eau tombaient du ciel de temps en temps. C'est pour cela que le jeune italien avait prévu le coup. Il s'était vêtu d'un pantalon gris, une teinte en dessous de l'anthracite, assez moulant, d'un t-shirt blanc à col V surmonté de bretelles noires. Par dessus cela, il avait mis un petit blouson rouge, pour couper avec le reste, et des mocassins de la même couleur. Comme d'habitude, il ne manquait pas de trouver un petit accessoire un peu fantaisiste à sa tenue: aujourd'hui, il s'agissait des bretelles.

Dès que la sonnerie retentit, il s'empressa donc de ramasser ses affaires, de prendre son sac et de sortir vite dans le parking. C'est là qu'il rencontra les trois jeunes qui lui donnaient du fil à retordre d'habitude. Ils avaient l'habitude de trainer par ici car il savait que c'était une école pour gosses de riche, et qu'ils pourraient donc s'en mettre plein les poches s'ils le souhaitaient. Alors qu'il allait mettre son casque pour monter sur sa vespa, un des trois agresseurs le prit par le bras et lui lança un petit:

"Ben alors ma poule ... Tu pars sans nous faire un petit bisou?"

Tous rirent en coeur. Andrea leva les yeux au ciel, en dégageant son bras de sa main. Eh oui, son homosexualité n'était plus secrète pour personne que pour ses parents. En plus, de temps en temps, il avait des manières un peu plus féminines, mais que sur certains gestes, sinon son côté efféminé passait inaperçu. Généralement, c'était en le connaissant un peu plus qu'on pouvait se rendre compte de ces "gestes" qui le trahissaient quelques fois. C'est donc ainsi que, les ignorant, il força la chose et grimpa sur sa vespa en la démarrant le plus rapidement possible pour partir d'ici sans trop se poser de questions. Il savait bien que ces garçons-là étaient capables du pire. Malheureusement, ils le retinrent et l'un d'entre eux l'attrapa à la gorge pour l'attirer contre un mur avant de lui lécher la joue avec sa langue dégoulinante de bave. Andrea eut un mouvement de dégout avec sa main mais ne dit rien, bien qu'il avait envie de vomir à ce moment précis.

"Alors poupée? Ca te plait pas? T'aimes bien ça normalement toi les mecs qui te lèchent nan?"

Une fois de plus, il lancèrent un de leurs ricanements moqueurs. Andrea, qui avait le souffle à moitié coupé, le supplia de le lâcher, ce qu'il fit, mais sans pour autant le laisser partir.

"Tu comptes aller où comme ça? Nous on a besoin de notre fric ... Et si tu refuses, tu devras passer par la case pantalon bébé."

Tout en disant cela, un sourire narquois se dessina sur le visage de chacun, et le chef de leur bande empoigna sa propre entrejambe pour lui montrer ce qu'il voulait dire par "case pantalon", bien qu'Andrea l'eût tout de suite compris. Sans broncher, il sortit un billet de 100$ de sa poche et leur tendit avant d'ajouter:

"C'est tout ce que j'ai sur moi ..."

Rapidement ils prirent le billet et échangèrent chacun un regard complice avant que leur chef ne fasse un signe de tête affirmatif.

"Ca ira pour cette fois, tâche d'avoir plus la prochaine fois ... Et essaye pas d'appeler les flics, parce que ton père risquerait de recevoir trèèèèès vite un petit email avec des photos de son fils en train d'embrasser un autre mec. Tu ne voudrais pas qu'il découvre ça comme ça hein?"

Et leurs rires reprirent de plus belle avant qu'ils ne disparaissent d'un pas hâtif, sûrement pour chercher une autre victime à qui ils pourraient soudoyer de l'argent. Andrea toussa un peu et une larme glissa le long de sa joue. Cela faisait la troisième fois qu'ils lui faisaient, et il ne voyait pas comment se débarrasser d'eux, alors comme d'habitude, il se taisait et rentrait chez lui en larmes. Il enfila donc son casque et grimpa sur sa vespa pour repartir chez lui, dans son petit quartier tranquille.

Arrivé à son loft, il n'avait qu'une idée en tête: prendre un bon bain dans lequel il pourrait oublier ses soucis de la journée et se relaxer. Il grimpa donc une à une les marches des escaliers avant d'arriver chez lui. Il ouvrit la porte et se faufila à l'intérieur. Là, il jeta son casque sur son canapé, et fit de même avec le reste de ses habits qu'il jetait partout tout en avançant jusqu'à la salle de bain pour y arriver nu. Là, il fit couler une eau parfaitement chaude dans la baignoire, y ajouta un peu de savon moussant, quelques gouttes d'huiles essentielles relaxantes et lorsque la baignoire fut pleine d'eau, il coupa l'arrivée et entra dans le bain en poussant un petit soupir de soulagement. Il imprégna entièrement son corps d'eau, jusqu'à la tête, puis la ressortit avant de la faire balancer en arrière tout en mettant ses cheveux eux aussi vers l'arrière à l'aide de ses deux mains. Là, il ne pensait plus à rien. Il claqua rapidement dans ses mains, et la musique démarra dans le loft entier. Une musique douce. Son père avait bien pris soin d'installer ceci pour lui permettre un confort maximal.

Andrea avait un réel lien avec l'élément de l'eau. Lorsqu'il était dans son bain, l'expression "comme un poisson dans l'eau" prenait tout son sens. Il appréciait ces longs moment d'osmose avec la nature, où il ne faisait plus qu'un, où son corps se confondait avec la limpidité de l'eau. Il aimait aussi humer le doux parfum à la noix de coco de son savon moussant, ou encore la légère odeur sucrée de l'huile essentielle qu'il avait mise dans l'eau. Tout cette ambiance, accentuée d'un petit air de musique douce ne pouvait que lui plaire. C'était Adèle qui passait, une de ses artistes préférées. Précisément la chanson: "One and only", une de ses favorites.

Il releva un peu la tête et rouvrit les yeux pour attraper une rose de bain et la passa délicatement sur son bras gauche à l'aide se main droite. Sa peau frissonna au contact de l'objet et il esquissa un sourire. Il était bien, et il avait déjà presque oublié la mésaventure qu'il lui était arrivé quelques heures auparavant. Mais ce calme fut troublé par le très peu mélodieuse sonnerie de son loft. Une courte, une longue précisément. Ce signal ne pouvait prévenir l'arrivée que d'une seule personne: Gabriel.

C'était son voisin depuis un moment maintenant, et il l'appréciait tout particulièrement. Il savait que s'il avait besoin de quelque chose, il pouvait compter sur lui. Il le considérait parmi ses très bons amis, et d'ailleurs, il savait que cela était réciproque. Il y avait une vraie complicité entre les deux jeunes hommes. Et rien que pour cela, il ne lui en voulait pas d'avoir interrompu la sérénité ambiante qu'il s'était créée dans son bain. D'ailleurs, l'envie ne lui aurait pas manqué de le partager avec son voisin. Il faut avouer que celui-ci l'attirait beaucoup, mais qu'à chaque fois, il se retenait pour ne pas céder à la tentation. Il avait un charme irrésistible et un corps de rêve, de plus, il avait la réputation d'être un très bon amant, mais aussi un coureur de jupons et ça, c'était le contraire d'Andrea, qui lui, malgré quelques déceptions, continuait à chercher chez un homme le prince charmant.

Ni une, ni deux, il sortit donc de son bain, son corps ruisselant d'eau et de mousse. Quelques gouttes coulaient aussi sur son visage, à cause de ses cheveux mouillés. Il empoigna une grande serviette qu'il mit rapidement autour de la taille après s'être séché les pieds, pour éviter de glisser, et se regarda rapidement dans le miroir pour replacer une mèche rebelle - il avait tendance à onduler, voire boucler -. Suite à cela, il se dirigea d'un pas hâtif jusqu'à la porte d'entrée, posa la main sur la poignée et toussota puis ouvrit la porte. Il ne s'était pas trompé, c'était bel et bien Gabriel, mais dans une tenue disons ... "imprévue"? En effet, la scène devait être plutôt drôle à voir: les deux n'avait pour seule tenue qu'une serviette autour de leur taille, Andrea n'ayant pas fini son bain, et Gabriel ... Ben il semblait sec pourtant.

Andrea arqua le sourcil droit, dans un signe d'interrogation, eut un petit rire nerveux, dû à la gêne qu'il éprouvait, et rougit légèrement avant de glisser ces quelques paroles:

"Gabriel?! Qu'est-ce qu'il t'arrive?"

Il se mit à rire de plus belle, mais ne manqua pas de profiter de la vu sur son beau torse et ses beaux abdominaux entre temps.

« Disons que j'avais besoin de prendre une bonne douche et que je me rappelle vraiment à la dernière seconde que le plombier a dut couper l'eau. Enfin, encore un problème avec la venu d'eau.. »

Alors ça, ça ne pouvait arriver qu'à Gabriel. Il le savait tête-en-l'air, si bien qu'il lui arrivait très souvent de manquer de ceci ou cela. D'ailleurs, il se rappela leur première rencontre. Gabriel était venu sonner chez Andrea peu de temps après que celui-ci ait emménagé et lui demanda, à l'aide de son plus beau sourire, s'il lui restait du café. Simple oubli ou tentative d'approche? Il ne le sut jamais vraiment. En tout cas, il avait bien fait de faire le premier pas, car maintenant, Andrea ne regrettait pas du tout de l'avoir rencontré et ne comptait pas le perdre de sitôt. C'est d'ailleurs pour cela que les deux hommes devaient souvent résister à la tentation, l'un et l'autre sachant bien qu'ils ne restaient pas indifférents à leur charme respectif.

« Je me demandais si je pouvais prendre une douche chez toi ? »

Une douche ici? Alors ça! Andrea ne s'y attendait pas du tout. Généralement, quand on va chez son voisin demander quelque chose, c'est un peu de beurre, du sucre ou du café, mais prendre une douche? Le comique de la situation le fit à nouveau rire un peu, mais c'est sûrement dû à la gêne qu'il éprouvait. Andrea était assez pudique. Bien qu'il n'avait pas de quoi l'être - car son corps était tout à fait joli - il n'aimait pas trop se montrer nu ou à moitié nu face à quelqu'un, sauf quand il s'agissait d'un contexte bien précis - entendez par là, lorsqu'il passe à l'acte -. Il reprit un peu ses esprits, remarquant soudainement que l'anglais en face de lui le scrutait et semblait rester quelque peu bouché-bé face à Andrea qui se mit à rougir puis toussota en se grattant l'arrière de la tête de la main droite.

Il est vrai que son voisin possédait un corps tout ce qu'il y a de plus parfait. Les muscles finement tracés, secs, une taille de mannequin, des fesses musclées et légèrement rebondies. Mais ce qu'Andrea adorait par dessous chez lui étaient ses lèvres. Il aimait les hommes aux lèvres pulpeuses, et Gabriel en possédait de très belles. Nombre de fois il avait imaginé posé ses lèvres contre les siennes pour échanger un baiser passionné. Il eut une bouffée de chaleur remarquant qu'à son tour, il était parti dans son imagination. Il lui fit un petit sourire avant de remarquer que le jeune blond semblait greloter de froid juste avant que son parapluie ne s'envola pour s'écraser sur un chêne un peu plus loin. Il lui prit alors la main et l'attira dans le loft délicatement tout en refermant la porte derrière lui.

"Tu sais que tu es toujours le bienvenu chez moi! Tu m'as l'air frigorifié, viens, je vais t'accompagner jusqu'à la salle de bain."

Andrea avait une voix douce et parlait toujours très calmement. Bien qu'il était italien, il n'était pas très sanguin, et il lui en fallait beaucoup pour s'énerver. Cependant, quand il s'énervait, généralement, on le sentait passer. Il lui fit signe de le suivre et pénétra dans la salle de bain avec son ami. On pouvait voir la mousse déborder du bain qui refroidissait peu à peu. Andrea eut une petite mine d'agacement avant d'aller toucher l'eau puis se retourna vers Gabriel.

"Tu préfères un bain ou une douche? Le mien a refroidi de toute façon ... Alors autant t'en faire couler un autre si tu as envie ..."

A vrai dire, ce dont l'Italien avait le plus envie, c'était bien de partager ce bain avec lui mais cela, jamais il n'aurait osé lui proposer. Il plongea donc son regard profondément dans le sien, tenant se serviette d'une main pour éviter qu'elle ne tombât, et lui sourit délicatement en attendant une réponse de sa part. Discrètement, il se pinça la lèvre inférieur, détachant son regard du sien pour admirer à nouveau son corps. Il espérait de tout coeur ne pas être vu.