Une nuit mouvementée qui n'avait pas mal débuté pour autant. Voilà comment j'aurais pu qualifié cette soirée, en prenant un certain recule. Si je n'étais pas dans cette situation incommodante, entrain d'essayer de sauver la vie d'une adolescente de quinze ans, dont le coeur ne semblait plus vouloir tenir le choc. J'avais beau appuyer de toutes mes forces, rien n'y faisait. Je prescrivais des médicaments à transfuser dans son bras et multiplier les interventions, le coeur ne redémarrait pas. Il avait été transpercé par un morceau de verre, probablement une coupe de champagne brisée lors de l'impacte, et avait continué à battre un moment. Arrivé au bloc, c'était presque trop tard. A chaque battement, la jeune femme perdait la vie car le ventricule gauche ne répondait plus, perforé de part en part. Pourtant, on avait essayé de recoudre... Mais l'hémorragie était présente et la plaie trop profonde. Au moment où mes mains lâcheraient son coeur, où je cesserais d'appuyer pour tenter vainement de le faire redémarrer, ce serait la fin. Terminé. Dix minutes. Vingt minutes. Je ne voulais pas abandonner l'adolescente. Il y avait eu trop de morts. Trop de pertes. Trop de larmes. Mais je ne pouvais rien y changer.

« Docteur Silverstone... C’est terminé... »

La voix de la raison me pourfendit, alors que l’infirmière se tenait à mes côté. Je résistai encore trente secondes ; mais je finis par arrêter le massacre. Le bruit sourd du sifflement de la machine indiqua que le coeur ne battait plus. C’était terminé. Un autre collègue, la mine abattue, prononça l’heure du décès. 3 h 45, heure de la mort de la patiente. Je me retirai de la pièce, arrachant mes gants et mon masque, que je jetai nerveusement à la poubelle. Chaque chirurgien avait perdu des vies ; on n’avait pas pu tous les sauver. Arrivée dans le couloir devant le bloc opératoire, je m’agenouillai sur le sol, prenant ma tête entre mes mains. Ma respiration fut difficile, longuement. Je prenais cela trop à coeur, d’un côté. Ce serait inhumain de ne pas être attachée lorsqu’on a vu la mort s’emparer de nos patients alors qu’on a crû jusqu’au bout qu’on parviendrait à le maintenir en vie. Désillusion. Un chirurgien passa et je me redressai de tout mon long. Sa main s’abattit lourdement sur mon épaule, sourire faible, avant qu’il ne s’en aille dans un autre couloir. Pour lui et moi, c’était terminé. Nous avions fini notre service et il était temps de rentrer.

Aussitôt, je bifurquai à mon tour en direction des casiers où nos affaires se trouvaient. Attristée par cette perte, je pris machinalement mes vêtements et je m’accordai une douche chaude bien méritée. L’eau ruisselant sur ma peau me fit un bien fou. Cela me réconfortait quelque peu. Toutefois, je ne tardai pas trop, pressée par l’envie de quitter les lieux pour prendre une bière ou une boisson alcoolisée. Ca permettait de tenir le coup, entre autre. Epuisée, j’enfilai mes sous-vêtements, mon jean, mes ballerines et mon pull rouge. Je séchai mes cheveux un moment, mais ils étaient longs et restèrent humidifiés. Des collègues entrèrent et nous nous saluâmes en silence, tous fatigués par cette journée qui avait débuté si bien et qui se terminait si mal. Enfin, pas tant que cela. Nous avions pu sauver des vies, malgré tout. Mais bon sang, deux bateaux qui se rentrent dedans... Les dégâts étaient incroyables et horribles.

Après avoir songé à mon action, je pris mon sac et me hâtai de quitter la pièce, rejoignant le hall. Je signai mon heure de sortie. La standardiste semblait aussi fatiguée que nous. Sans doute que l’administratif n’était pas chose aisée. En calculant mes heures de travail, je me rendis compte que le chef me devrait pas mal de vacances ; Mais je n’en prenais que rarement. Je déposai le stylo sur le bureau et je partis pour sortir de l’établissement blanc qui, pourtant, me paraissait rouge de sang. Mes talons claquèrent sur le sol dans la nuit et j’étais dans mes vagues pensées lorsque mon regard fut attiré par un jeune homme assis sur un banc, la tête en arrière.

Kieran Hamilton, le garde-côte qui s’était retrouvé avec moi sur le bateau de sauvetage. Au début, j’admets que je n’avais pas été tendre avec lui ; trop excitée par les émotions qui me submergeaient. Pour moi, c’était nouveau. Sauver des vies en mer, ça promettait. Mon tempérament de feu n’avait pas apprécié les ordres qu’il donnait ; ou plutôt les consignes de sécurité auxquelles je ne prêtais pas toujours attention, comme une idiote. On s’était pris la tête, même s’il avait raison au fond. Puis, en voyant les dégâts des bateaux, je redescendis sur Terre. On n’était pas là pour s’amuser et ça n’avait plus rien d’intéressant. C’était juste... l’horreur. Mettant nos prises de tête de côté, on avait travaillé ensemble main dans la main. Et quelle équipe ! Nous étions particulièrement efficaces, en tous cas, même si nous n’avions pas pu sauver tout le monde, malheureusement. Quoiqu’il en soit, je me demandais ce qu’il faisait là, en pleine nuit, figé sur le banc. Je m’approchai alors de lui.

« Bonsoir. »

Dis-je doucement, afin de ne pas l’effrayer. Au début, je me demandais s’il dormait. Mais je me rendis compte que non et j’arborai alors un sourire timide mais sincère. Il avait l’air aussi épuisé que je l’étais ; bien que c’était surtout mon moral qui en ramassait un coup. Dehors, il faisait plutôt frais. En même temps, il devait être 4 h 07 du matin, du moins dans les environs puisque je venais de sortir du bâtiment blanc. Attendait-il quelqu’un ? Je me posais la question, en regardant autours de moi. Il n’y avait personne, si ce n’est quelques passants.

« Qu’est-ce que tu fais là ? Tu attends quelqu’un ? »

Demandai-je, piquée par ma curiosité naturelle. Je m’étais permise de le tutoyer ; à mes yeux, ce que nous avions vécu nous permettait largement de le faire et, de prime, nous ne bossions pas ensemble dans l’hôpital alors il n’y avait aucune hiérarchie à respecter. Cette expérience ne me fit pas que du bien et elle était un peu décevante sur les bords. Mais j’essayais de me dire que nous avions pu réussir à garder plusieurs personnes en vie et cela m’apportait un peu de réconfort.

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La voix à peine audible de Kieran contrastait subitement avec les songes qui hantaient mes pensées. J’entendais les appels au secours, les cris horribles de toutes les personnes qui voulaient s’en sortir, le bruit sourd des ambulances et les voix alarmantes des familles ; le stress qui augmentait dans chaque coin de l’hôpital. Bref, le carnage qui régnait encore quelque peu dans l’hôpital. Cela me fit du bien, étonnement, de me rendre compte du silence qui s’était installé dans ce lieu. Le vent soufflait quelque peu, dévoilant ma chevelure rebelle dans le vent. Je fermis les yeux quelques secondes, attendant la réponse de Kieran Hamilton ; celui avec qui j’avais pu sauver quelques vies. Le chef devait être entrain d’annoncer la triste nouvelle de mon échec sur l’adolescente. Cette vie n’avait pas pu être sauvée. Une vie parmi les autres, mais c’était douloureux de ne pas réussir. La mort faisait partie de nos vies ; elle s’amusait en quelque sorte avec nos nerfs. Bref, ce fut une soirée épuisante. J’étais presque à bout de nerfs. Mes yeux se reposèrent alors sur Kieran et je lui souris.

« Euh, ça va peut-être te paraitre bizarre, même surement, mais en fait, c’est toi que j’attendais. Je… c’est bizarre, ouai… Je suis désolé si ça te dérange, mais en fait, je me suis dit qu’on pourrait aller boire un verre… je le fais souvent avec les gars après une opération qui craignait, alors je me suis dit qu’on pourrait faire ça. Mais bon, je comprendrais que tu sois crevé et puis on ne se connait pas vraiment.. »

Un sourire content apparut sur mes lèvres, tandis qu’il bafouillait quelques explications maladroites. Il se redressa, mains dans les poches, en me regardant droit dans les yeux pour la première fois, je crois. Je remarquai alors son regard captivant et je ne pus que sourire de plus belle, avançant vers lui. Il était un peu plus grand que moi, malgré tout. Je regardai du coin de l’oeil l’hôpital alors, me remémorant la soirée difficile, et mon regard se posa à nouveau sur le jeune homme.

« Ca marche. Je suis partante. Et puis, ça nous permettra de mieux nous connaître. »

Je lui fis un clin d’oeil malicieux avant de regarder autour de nous. Tout était si calme, si tranquille. C’était presque perturbant. Je remis une mèche de mes cheveux derrière mon oreille et je plantai mes yeux noirs dans les siens.

« Je te suis. »

Répliquai-je en souriant doucement, attendant que Kieran daigne m’emmener là où il le souhaite. Je n’avais pas peur de partir avec lui. Il avait été très héroïque ce soir. Et puis, sa compagnie me faisait du bien. D’autant plus que je ne pouvais pas refuser l’invitation d’un si charmant jeune homme.

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Sortir en plein milieu de la nuit, et presque à l’aube en fait, avec un parfait inconnu n’étais sincèrement pas dans mes habitudes. En général, je me confinais dans mon quotidien. C’était plutôt simple : je passais le maximum de temps à l’hôpital. Je ne m’octroyais le loisir de rentrer chez moi que lorsque mon chef de service m’y obligeait à cause des heures supplémentaires en masse. J’étais de ceux qui désiraient apprendre pour sauver le plus de vies humaines possibles. Je ne relâchais jamais la pression, chaque minute étant un challenge important dans mon univers. On n’avait pas le droit à l’erreur ; il fallait donc être parfait, ou du moins le mieux possible dans notre domaine. Sans autant d’acharnement, et ce depuis mon enfance, je n’en serais pas là, aujourd’hui, à être considérée comme brillante et même parfois adulée par les nouveaux élèves de l’établissement. C’était, en quelques sortes, la récompense de tant d’années de sacrifice. Mais je ne baissais pas ma garde, refusant de reculer ; je savais que chaque jour, de bons chirurgiens pouvaient prendre ma place si je ne faisais pas attention en était irréprochable dans ma procédure. C’est pourquoi je prenais toutes les précautions, aussi difficile que cela puisse être. Car, parfois, il fallait savoir mettre son humanité de côté. Comme ce soir, entre autre. Une victime de plus à afficher sur le tableau de la mort, pourtant elle était jeune et aurait pu vivre longtemps encore. C’était désolant, terrifiant même, de voir à quel point la vie était courte et futile. Pourtant, une fois en dehors de l’hôpital, je cessais d’y penser. Demain était un autre jour et mes états d’âme ne prenaient pas le dessus sur ma vie. Jamais. C’était une règle d’or que je m’imposais et que je recommandais soigneusement à mes apprentis médecins lors de leur arrivée. Souvent, ils échouaient à cause de cela. La médecine était réellement une arène impitoyable. D’ailleurs, la proposition de Kieran me fit sourire, car j’avais besoin de relâcher la pression, de m’évader. Et quoi de mieux qu’un verre après une soirée aussi éprouvante ? Surtout en charmante compagnie. Il semblait content, étant donné son large sourire qui s’affichait, ce qui me réjouis d’autant plus.

« Super ! Je ne savais vraiment pas comment tu allais réagir pour tout dire. J’avais peur que tu fuis en te demandant si j’étais pas dingue ! »

Je ne pus m’empêcher de rire, inhabituée à ce genre de comportement. Je le vis alors se redresser doucement, satisfait de lui-même et de ma propre réaction, sans doute. En même temps, c’était une bonne occasion de changer d’air, de m’oxygéner l’esprit. A force de voir les mêmes têtes et de m’épuiser au travail, j’allais devenir dingue. D’un geste joyeux, j’entrepris le premier pas en direction de la ville. Toutefois, je m’arrêtai et je laissai Kieran prendre les commandes du trajet. Je ne savais pas où il voulait m’emmener, mais j’espérais qu’il y avait de quoi boire ; parce que, honnêtement, j’avais envie de me détendre un peu. Je lui souris alors, restant auprès de lui.

« Alors, suis-moi. Enfin, j’ai pas d’endroit précis où allait. Y a juste un petit pub ouvert 24h sur 24 que je connais et où on va souvent pour décompresser, mais si tu veux aller autre part, je suis partant aussi. »

« Non, c’est parfait. »

Répondis-je alors doucement, le laissant me passer devant. Aussitôt, je le suivis, mes pas claquants quelque peu sur le sol. Je ne portais pas de talons, fort heureusement, mais une simple paire de ballerines. C’était plus confortable et pratique, même si je me débrouillais bien sur des échasses. La hauteur ne me faisait pas peur ; mon éducation faisait que je me débrouillais suffisamment. Toutefois, inutile de courir en talons aiguilles. Même si ça m’aurait peut-être féminisé d’avantage pour une sortie improvisée. Mais comme dans toute improvisation, on ne prévoit rien, généralement. Je restai alors quelque peu silencieuse, essayant de m’imaginer le grand jardin de la villa familiale de mon enfance. Cela me calmait, me rassurait, en quelque sorte, de penser à des moments heureux. Je me demandais si mes frères et ma soeur se portaient bien. Je n’avais pas eu de leur nouvelle depuis un moment, maintenant. Je vis alors Kieran ralentir et j’arrivai à sa hauteur.

« Tu es sûre que tu n’es pas trop crevée ? »

Je lui souris, visiblement amusée de sa réaction un peu protectrice ou inquiète, cela dépend. J’haussai doucement les épaules et, sur un ton amusé, je rétorquai.

« Pourquoi, tu comptes me ramener chez toi sinon ? »

Bien entendu, je savais que ce n’était pas le cas. Il n’avait pas l’air d’être de ceux qui s’amusaient avec les femmes durant la nuit ; bien que finalement je ne le connaissais que très peu. Je me mordis la lèvre inférieure avant de rire, visiblement amusée par son expression faciale. Je repris aussitôt, ne voulant pas le mettre mal à l’aise.

« Mais si t’es trop fatigué, je comprendrai. Moi, j’ai l’habitude. Je reste parfois 72 heures debout sans dormir, en carburant au café. Alors tu vois... »

J’arborai un sourire franc. Je ne voulais pas qu’il se sente gêné par ma blague ; et puis, cela ne m’aurait pas dérangé, au pire, d’aller chez lui prendre un verre plutôt que dans un bar. Au final, cela revenait au même sauf que c’était moins bruyant. Mais je ne pense pas que Kieran était du genre à inviter une parfaite inconnue dans sa vie privée, comme ça. Sauf si... nan, rien en fait. Sauf si rien.

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La mort. Elle faisait partie intégrante de ma vie, au quotidien. Je ne peux pas l’évincer, parce que mon travail consiste à la combattre. Chaque jour, chaque nuit, je la combats en tentant de sauver des vies ; principalement en réparant des coeurs, comme le voulait ma spécialisation chirurgicale. Sauf que, cette nuit, je n’avais pas réussi à sauver une vie. Une seule vie sur des centaines que j’avais sauvées. Pourtant, cela me paraissait toujours aussi douloureux. Rien ne semblait me consoler de cette peine, malgré que je n’étais pas de la famille ou une proche de la patiente. Je tenais juste sa vie entre mes doigts, mais le fil rouge s’était cassé en deux et n’était pas opérable. En ce moment, je tentais vainement de chasser ce genre de démons de mon esprit. Bien sûr, cela n’était pas possible. Les visages horrifiés des proches demeuraient gravés dans mon esprit et hantaient souvent mes cauchemars. Je ne me plaignais pas. Je trouvais également le bonheur dans les yeux de la famille de ceux que nous avions pus sauver. Je respirais alors pour m’imprégner de ces moments et jeter les mauvais le plus loin possible derrière moi, évitant de me retourner et arborant mon sourire digne. Je voulais être heureuse. Pour toujours. Peu importe le chemin. Y compris celui de cette fin de nuit qui n’était pas calculée ; en compagnie de Kieran. Je lui souris alors et nous prîmes la route tous les deux. J’en profitai pour lui lancer une petite vanne et sa tête me fit bien rire. Je me retrouvai alors devant lui, amusée de sa réaction. On aurait dit une enfant, mais je m’en moquais.

« Peut-être qu’en temps normal, j’aurais tenté ma chance, mais là, il vaut mieux pas pour mon égo que je tente quoi que ce soit. Une prochaine fois. »

Je me contentai de rire d’avantage en voyant son clin d’oeil amical et nous reprîmes notre route. Je ne savais pas où il m’emmenait, mais cela m’était égal désormais. La vie me réservait des surprises et je comptais ne pas tout planifier. Pourtant, j’étais d’origine assez calculatrice, prête à toujours tout organiser. Je voulais vivre, ne serait-ce qu’une fois, une seule soirée en dehors du bloc opératoire depuis des mois. Nous parlâmes alors de la fatigue, ou plutôt de mon carburant ; c’est-à-dire le café.

« Oh non, enfin si je suis crevé, mais j’ai aucune envie de partir me coucher et puis je suis venue jusqu’ici pour t’inviter, je ne vais pas te lâcher comme ça, tu es mal barré, je suis là je reste jusqu’à qu’un de nous n’en puisse plus… mais compte pas sur moi pour carburé à la caféine ce soir… enfin ce matin. »

Je ne pus m’empêcher de rire aux éclats en marchant à côté de lui. Un sourire taquin apparut sur mes lèvres douceâtre et je plantai mes yeux sur son corps, cherchant surtout son regard.

« Tu vas finir par terre, crois-moi. Ou alors, on va devoir boire durant 24 h. »

Lâchai-je d’un air plaisantin. Bien sûr que non, je ne pouvais tenir aussi longtemps. Ce serait de la folie pure et dure. D’autant que, en réalité, je supportais mal l’alcool. Je préférais avoir les idées claires et, si possible, éviter les gueules de bois. Néanmoins, je n’étais pas contre l’idée de profiter ce soir, ne serait-ce qu’un petit peu. Avec la fatigue, je serai vite KO, mais tant pis. Je ne dis rien là-dessus, espérant ne pas finir sous le bar. Quoique, cela pouvait être amusant. Soudain, Kieran m’attrapa par la manche et me fit accélérer le pas, à ma plus grande surprise.

« Allez doc, on accélère sinon, ce sera à pied et là, oui, je risque de vous ramener chez moi plutôt qu’au bar. »

Je ne pus réprimer un sourire sur mes lèvres en entendant ses paroles. Kieran sauta dans le tramway et je fis de même, préférant ne pas avoir à marcher trois heures de temps ; puisque je n’avais aucune idée d’où nous allions. Toutefois, une fois arrivée à ses côtés dans l’engin, je ne pus que rire.

« Dommage que nous n’ayons pas raté le tramway dans ce cas. »

Dis-je en lui lançant un petit coup de coude dans l’épaule, signe amical de ma part. Je n’avais pas l’intention de finir dans son appartement et encore moins dans son lit. J’étais bien trop épuisée pour cela. Du moins, c’est ce que je pensais fortement. J’avais besoin de rire, d’oublier notre triste soirée, de me concentrer sur le présent afin d’effacer le sang de ma mémoire. Je lui souris alors, sentant que le tramway bougeait pour nous emmener à destination. Je regardai alors Kieran, avec une certaine fascination. Il était si... mystérieux.

« Tu ne parles pas souvent de toi. Je me trompe ? »

Demandai-je en regardant alors devant moi, voyant les vitres mal lavées et usées par le temps. Je souris, arborant toujours mon sourire. Oui, il ne me quittait pas. C’était ma façon à moi de survivre dans cet univers de brutes. La vie n’épargnait personne. Pas même moi. Je luttais encore contre le passé et je tremblais parfois devant le futur, malgré tout ce que je pouvais prétendre devant mon allure sûre.

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