Une serviette enroulée autour de la taille, j'étais en train de me trémousser énergiquement sur la chanson U Can't Touch This de MC Hammer, tout en m'admirant devant l'immense glace de ma salle de bain. Prétentieux ? Oui, je l'étais sans aucun doute. Mais lorsque l'on avait un corps aussi parfait que le mien, il ne pouvait en être autrement. Pourquoi jouer les modestes alors que j'étais parfaitement au courant de l'effet que je faisais sur les autres ? De toute façon, pour moi, la modestie n'existait pas. Elle ne servait aux Hommes qu'à satisfaire un peu plus leur besoin de se faire lécher le cul, et donc, ceux qui l'utilisaient avaient tout autant – voire même plus – la grosse tête que ceux qui savaient ce qu'ils étaient et ne s'en cachaient pas, comme moi.

Après m'être rasé de près, brossé les dents et parfumé, je commençai alors à enfiler les vêtements que j'avais soigneusement étendus sur mon lit après avoir mis environ une heure à les choisir. J'avais toujours été très exigeant en ce qui concernait les tenues que je portais. Mon côté homosexuel, sans doute. Mélangé avec le fait que j'étais un gosse de riche, ce qui m'obligeait en quelque sorte à faire attention à ma garde-robe en n'achetant que des vêtements de marque hors de prix. Toujours était-il que jamais vous ne me verrez sortir en guenilles, même si c'était juste pour mettre les poubelles dehors. Le moindre tissu – et lorsque je disais le moindre tissu, je parlais aussi de mes sous-vêtements – qui trônait dans mon immense dressing personnel coûtait une petite fortune.

Ce fut donc habillé, de bas en haut, d'une paire de basket noire, d'un jean droit bleu foncé maintenu par une belle ceinture à la boucle argentée, d'une chemise blanche presque transparente dont j'avais laissé ouvert les deux premiers boutons et d'une veste légère noire, que je m'apprêtais comme à mon habitude à sortir en boite dans le quartier gay de la ville. J'ajoutai une montre – prototype que j'avais « emprunté » à la société de mon père – à mon poignet gauche dans le but de parfaire ma tenue. Puis, je pris ma voiture direction le Liquid Club. Arrivé devant le bâtiment, je dus montrer ma carte de membre aux malabars qui en gardaient l'entrée pour pouvoir passer les portes du club. Après tout, cette boite de nuit était très sélect et pas n'importe qui ne pouvait y entrer. C'était d'ailleurs ce que j'appréciais ici, même si ce n'était en rien une question de rang social.

Peu à peu envahi par la musique, je me dirigeai vers le bar pour y commander un shot, puis deux. C'était certes un début un peu fort, mais il fallait bien me mettre dans l'ambiance !

– Salut princesse, ça va ?

Cette voix... Cela faisait deux ans qu'elle me hantait. Chaque fois que je l'entendais, j'en avais des frissons, et ce n'était pas dans le bon sens du terme malheureusement... Il faut dire que ma rencontre avec Adam fut on ne peut plus dantesque. Je n'étais pas prêt de l'oublier...

Cela remontait donc à deux ans. J'étais sorti, comme à mon habitude, dans le quartier gay de la ville dans le but de me détendre après une dure journée durant laquelle une associée de mon père dont je ne connaissais même pas le nom avait osé me faire la moral sur mes méthodes de travail – qui, en fait, était totalement inexistantes, je devais bien l'avouer. J'avais donc fait à peu près tous les bars du Castro jusqu'à ce que je tombe sur lui, Adam Taylor. Très beau jeune homme aux allures de mauvais garçon – ce qui m'attirait beaucoup –, je l'avais ramené chez moi et, évidemment, nous avons couché ensemble... plus d'une fois. Ce n'est que le lendemain matin que ce petit vicieux de Taylor m'avait avoué avoir 17 ans et, donc, être encore mineur. Je vous dis pas la gueule que j'ai fais lorsqu'il me l'a dit ! Depuis, il s'amuse à me faire du chantage car, comme un malheur n'arrive jamais seul, je connaissais bien son frère aîné pour m'avoir arrêté plusieurs fois lorsqu'il exerçait encore le métier de flic.

– T’as décidé de te mélanger à la population, c’est cool.

Il retira sa main baladeuse de mon dos pour aller s'accouder au bar. Il fallait toujours qu'il touche, celui-là ! Chaque fois que l'on se voyait (et heureusement, ce n'était pas si souvent que ça), il fallait qu'il pose ses mains sur mon corps. Peut-être fallait-il que je marque « propriété privée » en lettres capitales sur une pancarte que j'accrocherais à mon cou ? Je n'étais même pas sûr que cela marcherait...

– Malheureusement... dis-je sur un ton désespéré, avant de commander un autre shot. Oh ! Et tu m'appelles encore « princesse », je t'émascule, c'est compris ? Je pense t'avoir déjà prouvé à quel point je ne pouvais pas être une princesse.

Je bus le petit verre cul sec, fit une légère grimace en avalant son contenu et me tournai vers Adam qui, et cela me fit chier de le remarquer, était toujours aussi bandant.

– Alors, qu'est-ce qu'un jeunot dans ton genre fait ici ? Tu n'as pas école demain ?

Durant un instant, Adam eut un regard outré à ma menace de castration, comme si cela était quelque chose de totalement inconcevable que je n'aurais même pas dû avoir en tête. Pourtant, j'avais (très) souvent envie de lui arracher son service trois pièces – juste après m'en être servis, bien sûr – les rares fois où l'on se croisait car aussi petit et jeune était-il, ce garçon adorait jouer avec mes nerfs et je devais bien avouer qu'il y arrivait très bien...

– J’y crois pas, répondit-il après un haussement d'épaules insignifiant. Si tu fais ça, tu vas augmenter le taux de suicide à Castro.

Et le pire était que, malgré le fait qu'il riait à sa propre blague, il devait très certainement le penser. Mais je ne pus retenir un sourire de venir effleurer mes lèvres, malheureusement obligé d'admettre que sa remarque était assez drôle, en effet.

– Et puis, j’en ai besoin pour le jour où tu vas enfin décoincer ton petit cul, ajouta-t-il, le visage soudain devenu sérieux.

– Le jour de tes 21 ans, je promets de t'offrir le meilleur cadeau d'anniversaire que tu n'as jamais eu et que tu n'auras jamais, déclarai-je avec sensualité, un petit sourire lubrique aux lèvres, tandis que je lui caressais doucement la joue.

Mais je retirai rapidement ma main car, connaissant Adam, il allait prendre ce geste comme des avances et je n'avais pas du tout envie qu'il essaie de fourrer ses mains dans mon froc toute la soirée. J'étais là pour passer du bon temps et non pas pour tenter de garder à distance un pêché de luxure mineur jusqu'à ce qu'il se lasse enfin, ce qui n'arrivera jamais, je l'avais compris depuis longtemps... Malheureusement pour moi, sa réaction ne se fit pas attendre et l'une de ses mains baladeuses vint doucement se poser sur l'une de mes cuisses pour ensuite la remonter lentement.

– Je viens m’amuser, tout comme toi, me souffla-t-il, tout en me regardant de la manière la plus indécente qui soit. Et puis, je suis bon élève, tu sais, alors je peux m’amuser tant que je veux.

Et avant même que je n'ai eu le temps d'attraper son poignet dans le but de stopper sa progression vers mon pénis, il retira sa main pour venir, cette fois, caresser le haut de ma gorge comme on le ferait à un vulgaire animal. Heureusement, la caresse ne dura que quelques millième de seconde parce que j'étais prêt à lui foutre mon poing dans la gueule. Il ne voulait pas que je ronronne, non plus ?

– Alors, raconte, qu’est-ce qu’il y a de neuf dans ta petite vie ?

– A part les mecs que je fous dans mon lit, rien ne change, l'informai-je, un coude posé sur le bar, scannant la piste de danse à la recherche de chair fraîche.

Je me faisais parfois l'effet d'un vampire qui sort la nuit dans le seul but de chasser une nouvelle proie pour boire son sang. Et d'un côté, c'est ce que j'étais. Le vampire du sexe qui va dans les bars ou boites le soir pour mettre dans son lit une nouvelle victime et boire son sperme. Sauf, qu'en fait, je n'allais jamais jusqu'à cet extrême. J'étais même très prudent en ce qui concernait ma santé, alors à aucun moment je ne m'amusais à boire le jus du sexe d'un mec quelconque car on ne pouvait jamais savoir où il avait traîné.

– Montre-moi ce que tu sais faire, princesse, me provoqua alors Adam en me tendant l'un des shots qu'il venait de commander.

Je pris le petit verre entre mes mains et, comme avec les trois autres, je le bus cul sec, mes yeux ne quittant pas ceux du jeune garçon.

– Et toi ? Quoi de neuf ? retournai-je la question.

Pas que cela m'intéressait, mais j'étais poli.

– Pas grand-chose, répondit-il l'air un peu préoccupé. Et puis, t’as pas envie que je t’ennuie avec ça, de toute façon.

J'eus un petit sourire amusé. Au moins, il me connaissait plutôt bien à présent. Je n'étais pas du tout le genre de mec à aimer écouter les problèmes des autres. Après tout, est-ce que je les faisais chier avec mes propres problèmes ? Non, alors, il devait en être de même pour eux. C'était peut-être méchant, mais je n'avais jamais dit que j'étais un mec gentil. En fait, la seule personne qui avait droit de me faire chier à me parler de tout et de rien, c'était Seven. Mais elle était un cas à part étant donné qu'elle connaissait à peu près tout de ma vie.

– Tiens, bois encore un peu, m'incita-t-il, en poussant un autre petit verre dans ma direction, un sourire que je trouvais machiavélique aux lèvres.

– T'essaies de me soûler ? demandai-je, un de mes sourcils relevés. Si tu crois que c'est comme ça que tu vas retourner dans mon lit, tu te fourres la bite dans l'oeil.

Bon, à vrai dire, si j'étais bourré, il était très probable qu'il puisse en profiter, ce petit morveux. Et si j'étais du genre résistant, au rythme où les choses allaient, je n'allais pas tarder à finir affaler sous une table, à ne plus me rappeler ce que je foutais là. C'est pour cela que j'allais faire attention à partir de maintenant. Je bus tout de même le shot qu'il m'avait gentiment commandé et demanda au barman de m'apporter une bière. Au moins, avec ça, il m'en faudrait plusieurs pour finir totalement bourré.

– Alors, dis moi, continua-t-il en se tournant vers moi. Déjà un beau mâle en ligne de mire ?

Je scrutai la piste de danse avec beaucoup plus d'attention, tel un robot qui cherche sa cible au milieu d'une foule.

– Pas vraiment... Qu'est-ce que tu penses du type, là-bas ? lui demandai-je son avis en désignant un mec qui se trémoussait indécemment contre un autre au rythme de la musique.

– C’est dans ton cul que je vais la fourrer, répliqua Adam de manière vulgaire.

Et cette grossièreté quasi obscène dont faisait preuve le jeune homme encore mineur – il était toujours important de le souligner – ne me fit ni chaud ni froid. Après tout, j’avais non seulement l’habitude de ce langage un peu cru de la part d’Adam puisqu’il n’avait pas vraiment l’habitude de faire dans la dentelle – de ce côté-là, on se ressemblait tous les deux. Mais je n’étais pas non plus le genre de type à me froisser facilement par l’utilisation d’un tel vocabulaire. Il en fallait beaucoup plus pour me choquer.

Par contre, je n’adhérais pas forcément à ce genre d’humour. Non pas parce que j’étais du genre coincé, mais plutôt parce que tout ce qui tournait autour de mon cul était prohibé. Personne n’avait le droit d’y toucher, et surtout pas d’y foutre sa bite dedans ! Si ce jour arrivait de nouveau – oui, parce que j’avais tout de même perdu ma virginité de ce côté-là –, Seven avait pour ordre de m’euthanasier sur le champ, car cela voudrait dire que j’étais gravement malade et il était hors de question que je continue à vivre de cette façon.

– Ouais, ça va, il est pas trop mal, donna-t-il son avis sur le gars que je venais de lui montrer. Mais il y a sûrement mieux.

Il y avait toujours mieux. Mais comme beaucoup de personnes disaient : « la perfection n’existait pas ». Alors, je me contentais souvent du minimum quand j’arrivais pas à trouver ce « mieux » que je recherchais constamment lorsque je sortais dans un club. Il m’était même déjà arrivé de lâcher une de mes conquêtes trouvée en début de soirée pour une autre beaucoup plus canon aperçu plus tardivement. Et s’il y a une chose que je puisse dire sur ce genre d’attitude, c’était que ça ne plaisait pas.

– D’un côté, ils sont d’une pâleur à côté de toi, oh cher petit Casey ! s’amusa-t-il à faire mes éloges.

– Normal, je fais des U.V., répondis-je avec un petit sourire amusé.

Bon, ce n’était pas tout à fait faux à vrai dire. Il m’arrivait de passer par la case U.V. en hiver, lorsque ma peau blanchissait à vue d’œil à tel point que n’importe qui croirait que je suis à l’article de la mort. Une peau légèrement halé était toujours plus bénéfique, en particulier lorsqu’il s’agissait de draguer.

– Bon, sinon il y a lui là-bas, près de l’entrée encore.

– Mouais… finis-je par dire après avoir longuement observé le type qu’il m’avait désigné. Mais comme tu l’as déjà dit, il y a sûrement mieux.

Je bus une gorgée de ma bière, tout en continuant à scanner le club de mes yeux à la recherche d’une cible que mon missile pourrait défoncer – le mot choisi n’est pas très beau, mais l’image est là.

– T’as envie de danser un peu ? me proposa-t-il.

– Pourquoi pas, dis-je en haussant les épaules comme si cela m’importait peu, ce qui était le cas. Si tu promets de garder tes mains à distance raisonnable de mon pantalon.

– Les mains au-dessus de la ceinture, j’ai pigé, déclara-t-il, tout en souriant de manière malicieuse.

Je n'aimais pas tellement ce sourire – qui, en langage Adamien, ne signifiait rien de bon –, mais je décidai tout de même de lui faire confiance. Après tout, je n'étais pas venu ici seulement pour me bourrer la gueule et draguer, mais aussi, pour me libérer de toutes ces tensions accumulées durant cette dure journée, voire même de toute cette semaine. Et quelle meilleure façon y avait-il de se défouler que de danser !

Adam me prit la main et je le suivis, docile, sur la piste de danse. Il se mit tout de suite à se déhancher sur le rythme de la musique, se mettant face à moi pour me regarder bouger. Mais aussi décomplexé étais-je en temps normal, il me fallait tout de même quelques longues secondes pour bien m'imprégner de la musique et pour pouvoir bouger en rythme sans paraître pour un débile mental.

– T’es déjà ivre ? T’as déjà dansé mieux que ça, remarqua le jeune homme, presque complètement collé à moi.

– Je me fais vieux, il me faut le temps de chauffer mes os et mes muscles, plaisantai-je, un regard envieux plongé dans le sien.

Il faut dire que ce diable de luxure avait non seulement son visage situé à à peine quelques millimètres du mien – il suffisait donc que je tende un peu les lèvres pour pouvoir l'embrasser –, mais en plus, il frottait indécemment son bassin contre l'un de mes cuisses et j'avais beau avoir une volonté de fer, je n'étais qu'un homme et s'il continuait comme ça, ce qui se trouvait dans mon pantalon n'allait pas tarder à se réveiller...

Mais comme je l'avais craint depuis qu'il m'avait invité à danser et que j'avais accepter, les mains baladeuses d'Adam reprirent du service et elles descendirent malicieusement sur mes fesses pour les caresser.

– Et si je t’embrassais, humm ? me tenta-t-il.

– Eh bien, vas-y. Essaie pour voir.