In our Family portrait we look pretty happy We look pretty normal, let's go back to that

Amy Lee vivait à San Francisco depuis un peu plus d'un an maintenant et s'y sentait enfin comme à la maison, même si sa ville d'origine lui manquait. Elle ne regrettait pas d'être partie, elle y avait laissé de fabuleux souvenirs mais aussi de trop douloureux comme la mort de sa jumelle ou encore sa séparation avec Travis. Aujourd'hui elle était heureuse même s'il y aurait toujours un gouffre dans son coeur, quand Babsy était morte c'était toute une partie d'elle même qui était morte. Travis en avait réanimé une partie mais jamais plus elle ne serait comme avant. Elle était un peu une nouvelle Amy, et peut être que c'était normal dans le fond car on change tous en vieillissant, non ? Et encore plus lorsque l'on devient parent. C'est ce qui était arrivé à la jeune femme, maman d'une petite Milla de six ans.

Mais ces derniers temps sa petite vie tranquille était chamboulée par le retour de Travis dans sa vie. L'aimait elle toujours ? En tout cas personne ne l'avait fait vibrer de la sorte depuis... depuis lui ! Parfois elle se disait qu'il devait réellement être des âmes soeurs et s'il n'y avait pas Milla, elle se serait déjà jetée à corps perdu dans ses bras. Mais là, ils devaient y aller doucement. Ils n'étaient plus seuls dans cette histoire. Une chose était certaine cependant, quoiqu'il arrive elle ne laisserait plus personne gâcher leur histoire. Ce soir il donnait un concert dans l'Ohio... Il était parti quelques semaines en tournée et elle ne pouvait s'empêcher d'avoir un petit pincement au coeur, se demandant s'il allait rencontrer une fille. Et oui, on ne se refait pas complètement ! Elle restait possessive. Cela la rendait dingue !! Heureusement elle n'avait pas retrouvé seulement Travis ici mais aussi sa cousine Casey. Elles s'étaient perdues de vue après la mort de Barbara et le destin les avait réunies ici. Il semblait d'ailleurs que la jeune femme aux yeux hypnotisant avaient aussi connu des déboires en amours. Ce soir, il était à parier qu'elles en discuteraient, cherchant ensemble des solutions ou.. pas.

Comme elle était tout sauf un cordon bleu, Amy avait passé une commande chez un traiteur de la ville. Pour changer, elle avait opté pour une salade exotique en entrée avec de grosses crevettes, puis de la sole tropicale en papillote et du riz gluant, et surprise pour le dessert ! Une fois rentrée elle avait dressé la table et mis une bouteille d'eau et une de vin blanc au frais, ne sachant pas si Casey buvait de l'alcool. Ensuite elle avait préparée de quoi faire des Piña Colada mais attendait l'arrivée de sa cousine avant de les faire si elle n'aimait pas ça. Elle pourrait toujours faire des strawberry colada, elle avait ce qu'il fallait ! Sinon il y avait des jus de fruits ou des alcools basiques. Elle mit des petits fours salés au four et alluma sa chaine hifi pour mettre de la musique. Il y avait encore le cd de Travis dans le lecteur, elle hésita mais décida de le changer pour mettre quelque chose d'un peu plus pop et moins perturbant.

Lorsque Casey sonna, elle se précipita vers la porte pour lui ouvrir avec un grand sourire.

- Entre ma chérie ! Comment tu vas ?

AMY LEE & CASEY

Debout devant la porte d'entrée de la maison d'Amy Lee, j'attendais. La main à quelques centimètres seulement de la sonnette, je n'osai pas appuyer sur celle-ci. Dans ma tête, je pouvais déjà entendre ce que Court' aurait bien pu me dire, si elle m'avait trouvée plantée là, incapable du moindre mouvement : « Vas y, sonne. Elle va pas te manger. » Elle aurait très probablement eu raison de me dire ça. Car il était certain que, s'il y avait bien une personne qui ne me ferait pas le moindre mal, dans notre famille, en dehors de cette petite soeur à laquelle je tenais comme à la prunelle de mes yeux, c'était bien Amy. Nous étions cousines et bien qu'une légère différence d'âge nous sépare, nous nous étions toujours bien entendues. Elevées dans le même milieu, j'avais toujours considéré cette dernière et Barbara, sa soeur jumelle, comme les deux grandes soeurs que je n'avais jamais eues. Malgré cela, la vie avait fini par nous séparer. Barbara était décédée, et après ça, les contacts avec Amy Lee s'étaient faits rares, jusqu'à devenir inexistants, après mon départ pour la Suisse. Nos retrouvailles n'avaient pas été le moins du monde préméditées. Elles avaient eu lieu quelques jours plus tôt, alors que je me baladais et que j'avais vu cette enfant, au cheveux bruns, cherchant dans les alentours, l'air désemparée. Naturellement, j'avais été la voir, pour apprendre qu'elle avait perdu de vue sa maman, et qu'elle ne la retrouvait pas. Ma réaction, en l'entendant, s'était faite naturellement : j'avais pris la main de la fillette pour partir avec elle à la recherche de sa mère, une mère qui, en plus de se montrer soulagée, en voyant sa fille, s'était montrée extrêmement surprise en me voyant à la main de celle-ci. La surprise, je l'avais ressentie aussi. Jamais je n'aurais pensé retrouver Amy à San Francisco. N'ayant que peu de minutes devant elle, elle m'avait alors proposé de diner un de ces soirs ensemble, histoire de 'rattraper le temps perdu'. Une proposition que j'avais bien entendu été incapable de refuser : s'il me faudrait un peu de temps, avant de retrouver certains automatismes, avant de pouvoir entretenir des relations normales avec les autres, il y avait en revanche des personnes à qui je ne pouvais pas tourner le dos, et Amy en faisait justement partie. C'était ainsi qu'elle m'avait donné son adresse, avant de me dire de passer deux jours plus tard. Ce que j'avais bien évidemment fait, puisque je me trouvais à présent devant sa porte.

Mais voilà, maintenant que je n'étais plus qu'à quelques mètres d'elle, que j'entendais, à travers la porte, ce léger air de musique s'élever, j'hésitais à entrer. Non pas que je n'ai pas envie de la voir, bien au contraire... Mais je redoutais, à vrai dire, ce que nous aurions à nous dire. Des années nous séparaient. Des années pendant lesquelles elle avait visiblement beaucoup changé, et pour cause, puisqu'elle était à présent une femme, une mère, une avocate brillante... Tandis que moi... Je n'étais plus que l'ombre de moi même. A présent, l'ambition que j'avais eue, étant plus jeune, c'était envolée, et je n'avais plus qu'un seul espoir : celui qu'un jour, le passé ne vienne plus me hanter, que l'avenir m'offre ce dont j'avais toujours rêvé avec Logan : une seconde chance, celle de faire les choses bien. Mais cela ne se ferait pas si facilement, j'en étais consciente. Si mes sentiments pour lui étaient inchangés, si notre amour était toujours là, cela pourrait cependant ne pas suffire. Alors, que pouvais-je faire, en attendant ? Me terrer dans mon appartement, et attendre que les choses changent ? C'était une idée qui ne m'aurait pas vraiment déplu. C'était l'option la plus facile. Finalement, j'avais opté pour une solution différente : me plonger, à corps perdu, dans le travail, pour oublier que ma vie privée n'était qu'un échec.

Cette sortie, chez ma cousine, c'était bien le seul moment de plaisir que j'avais osé m'accorder depuis bien longtemps et ce, sans que l'on ait à trop me forcer la main. Oui, car il va sans dire que, sans l'intervention de Court' ou de Logan, j'aurais très peu accepté de sortir, ces derniers jours. Mais cette fois-ci, j'avais voulu venir. J'avais voulu revoir Amy. Parce que cette rencontre, quelques jours plus tôt, ça avait été un signe. Celui que je n'étais peut-être pas seule et que peut-être, certains membres de ma famille valaient la peine de faire partie de ma vie. Alors, malgré mon appréhension, je soufflai un bon coup, avant d'oser sonner. Il ne fallu même pas quelques secondes à Amy pour se retrouver à la porte, et pour m'ouvrir sur le champ. Prise au dépourvu, je fis immédiatement face au sourire rayonnant de ma cousine. Un sourire auquel je répondis timidement par un sourire qui se voulait légèrement forcé.

« Entre ma chérie ! Comment tu vas ? »

La suivant d'un pas hésitant à l'intérieur, je posai mon regard sur elle, avant de répondre,

« Je... Ca va. » Dire que ça allait, sourire, même si je n'en avais pas envie, c'était une chose à laquelle je devrais m'habituer et ce, même si le mensonge ne faisait pas partie de ces choses pour lesquelles j'étais bien douée. Parce que, je le savais, personne ne pourrait comprendre, si je venais à répondre que ça n'allait pas. Pour comprendre, il aurait fallu d'abord savoir ce que j'avais vécu au cours de ces quatre dernières années, mais aussi le vivre, pour réaliser combien le retour à la vie normale m'était si difficile. « Et toi ? »

Le retour à la civilisation m'était difficile. Non pas parce que je n'en avais pas envie, mais plutôt parce que j'avais été coupée du monde pendant quatre ans. Quatre années pendant lesquelles je n'avais pas eu le moindre contact avec quiconque, si ce n'était des médecins et infirmières. Quatre années passées seule, si bien que j'en avais presque oublié les règles qui s'imposaient dans toute conversation digne de ce nom.

Une délicieuse odeur me parvint aux narines. Amy avait cuisiné ? Eh bien, visiblement, la médiocrité de ma cuisine n'était pas de famille... Moi qui avais pensé que toutes les femmes de notre famille n'étaient pas faites pour être de bonnes cuisinières, je m'étais peut-être trompée. Posant de nouveau mon regard sur Amy Lee, je passai une main dans mes cheveux, avant de lui expliquer :

« J'ai voulu ramener quelque chose... J'pensais qu'une bouteille de vin pourrait être la bienvenue mais... Je ne sais pas si tu bois de l'alcool et puis... J'me suis ensuite rappelée que c'était une marque d'impolitesse, que d'en ramener une chez ses hôtes. Désolée d'être venue les mains vides. »

Oui, c'était une des fameuses règles que mes parents m'avaient apprises étant petite : ne jamais ramener à manger ou à boire chez quelqu'un. Les gens pauvres le faisaient peut-être, parce qu'ils n'avaient aucune éducation, mais les gens de notre rang, eux, apportaient des fleurs, ou un autre cadeau quelconque mais jamais, non, ils n'amenaient une bouteille de vin, peu importe sa qualité ou son prix.

Spoiler:

C'était une véritable surprise de retrouver Casey, et encore plus ici. De nombreuses fois Amy-Lee avait pensé à la contacter mais lorsqu'on reste silencieux si longtemps on finit par ne plus savoir comment se lancer. C'était ridicule mais pourtant si courant. Elle remerciait donc le hasard ou le destin, allez savoir ! La vie les avait séparées mais les réunissait aujourd'hui. Après tout, peut être que le temps passé avait été nécessaire pour panser les blessures et leur permettre d'aller de l'avant aujourd'hui, ensemble. Amy se disait que ce n'était pas forcément anodin que ce fut Milla qui les ai réunies. Sa puce lui avait lâchée la main pour aller voir on ne sait quoi, et elle l'avait perdue de vue. Tout s'était passé si vite, la jeune femme avait cru devenir folle. Elle avait du prendre sur elle même pour ne pas sombrer dans l'hystérie en quelques secondes. Ce fut un réel soulagement de la retrouver pas même trois minutes plus tard, qui lui étaient apparu comme une éternité, en compagnie d'une charmante jeune fille qui cherchait à l'aider. En posant son regard sur elle, elle avait aussitôt reconnu sa petite cousine. Elle n'avait pas tant changé depuis l'adolescence et ses yeux restaient de toute façon inoubliables ! Ce jour là, elle aurait aimé prendre le temps de discuter, mais elle était pressée par un rendez vous très important alors elle lui avait aussitôt proposé de passer chez elle pour se retrouver. C'était presque un miracle de la revoir maintenant et surtout une vraie joie, ainsi qu'un soulagement car elle ne ressentait plus cette peine, cette déchirure qui la martyrisait chaque fois qu'elle repensait au petit groupe qu'elle formait avec Babsie, Angie et Liam.

Ce soir donc elle était zen et contente à l'idée de recevoir sa cousine dans sa maison et lui présenter sa fille. Elle avait tellement de choses à lui raconter et voulait savoir ce qu'il lui était arrivé pendant tout ce temps. Elle ignorait que cette fois c'était Angie qui souffrait. La perte n'était pas la même mais elle semblait l'empêcher d'avancer, peut être pourrait elle l'aider ? Elle ignorait aussi que le professeur de piano de sa fille, ce bon copain avec qui il lui arrivait de se disputer était son ex mari. Décidément, le monde était petit !

Lorsqu'elle sonna à la porte, Amy l'ouvrit presqu'aussitôt avec un grand sourire qui révélait le bonheur qu'elle ressentait à la voir. Casey semblait un peu sur la réserve mais elle ne s'en inquiéta pas, il était normal de trouver la situation un peu "gênante", du moins pensait elle que c'était la cause de son sourire timide. Comme à l'époque, Amy était spontanée et joviale. Elle avait combattu les démons qui l'avaient harcelée suite au décès de sa jumelle, et c'était en grande partie grâce à Travis, qu'elle venait aussi de retrouver. San Francisco finirait par être la ville de la seconde chance !
Elle lui demandait comment elle allait, question banale et sentit que la réponse positive cachait quelque chose. Elle avait l'habitude des mensonges dans son travail, et certaines personnes, comme Casey n'étaient pas vraiment douées pour mentir. Ce qui n'était pas forcément une tare, hein ! Mais elle ne lui sauta pas dessus pour comprendre, il fallait qu'elles retrouvent leurs marques d'abord. Lorsqu'elle lui retourna la question, elle assura qu'elle allait bien et la laissa entrer dans la maison avant de refermer la porte. Casey s'excusa de n'avoir rien rapporté, et son attitude attendrit la belle brune. Elle lui caressa la joue, comme elle faisait lorsqu'elles étaient plus jeunes.

- Ne t'en fais pas, je n'ai besoin de rien ! Et toi, tu bois de l'alcool ? J'ai préparé un apéritif, de la Piña Colada, ou je peux faire une strawberry si tu préfères. Sinon la même chose sans alcool !

Tout en parlant elle se dirigeait vers le salon pour y conduire Casey, au cas où celle ci n'oserait pas bouger. La déco avait été soignée, les couleurs étaient agréables et créaient une ambiance zen. Il y avait de nombreuses photos : de sa fille surtout, avec elle - seule ou encore avec la tante d'Amy, Helena. Il y en avait aussi d'Amy avec quelques amis et une superbe de sa soeur et elle, en noir et blanc. Elle n'avait pu se résoudre à ne pas en mettre. A ses yeux c'eut été comme si Babsy n'aurait jamais existé et elle refusait cela !

- Alors, dis moi, tu es depuis longtemps à San Francisco ?

Depuis que j'étais rentrée à San Francisco, rares avaient été ces personnes qui avaient autrefois fait partie de mon existence et qui étaient au courant de mon retour en ville. A vrai dire, j'aurais presque même pu affirmer que seuls Court' et Logan avaient été mis dans la confidence – et pour cause, puisqu'ils occupaient tous les deux une place très importante (pour ne pas dire primordiale) dans ma vie. Ils étaient également les seuls à connaître véritablement l'horreur de ce que j'avais vécu en Suisse et de ce que mon père avait manigancé, quatre ans plus tôt. C'était peut-être mieux comme ça. Ca m'évitait bien des regards désolés, bien des paroles faussement réconfortantes qu'auraient peut-être pu m'adresser certaines personnes auxquelles je n'avais jamais vraiment tenues plus que ça. En quatre ans, j'avais changé. Plus réservée, plus froide, de premier abord, j'avais surtout une énorme difficulté à m'exprimer et ce, même (et surtout) avec ceux qui m'étaient proches. Je n'avais jamais vraiment été douée pour exprimer certains de mes sentiments, j'en convenais. Mais il y avait tout de même eu une époque, où; plus jeune, j'avais su ouvrir mon coeur à certaines personnes, des personnes avec lesquelles j'avais toujours su m'exprimer le plus simplement du monde et ce, sans jamais craindre les moindres représailles. Cette époque était cependant révolue, elle avait été effacée. Quatre années de silence et de solitude m'avaient changée. Contrairement à ce que j'avais cru, à de nombreuses reprises, il m'était beaucoup plus difficile de me réadapter à ce monde duquel j'avais été coupée. Il était difficile de faire face aux gens et de devoir leur sourire, de devoir leur laisser croire que tout allait bien quand ma vie toute entière, semblait partir en vrille. En vérité, j'avais peur. Peur de ne jamais redevenir la Casey que j'avais été, peur de toujours évoluer dans ce monde en parfaite étrangère, et de ne jamais y trouver ma place. J'avais peur que les gens se lassent, qu'ils finissent tous par m'abandonner en me considérant comme un cas désespéré. Et si un jour, Court' finissait par baisser les bras, par ne plus me soutenir, m'épauler, et me guider ? Si un jour, Logan finissait lui aussi par être lassé de celle que j'étais devenu, s'il finissait par réaliser que ça n'était pas moi qu'il aimait, mais l'ancienne Casey, celle qui avait toujours été pleine de vie et d'ambition et qui n'était plus qu'aujourd'hui, l'ombre d'elle même ? J'aimais Court', et j'aimais tout autant Logan... Mais j'avais parfois l'impression qu'ils attendaient trop de choses de moi, des choses que je ne pourrais jamais être en mesure de leur donner. Ainsi, il aurait du m'être plus facile de faire face à une personne comme Amy-Lee, ma cousine, retrouvée par le plus grand des hasards quelques jours plus tôt. Elle ne savait rien de ce qui m'était arrivé ces quatre dernières années – nous nous étions, à vrai dire, perdues de vue bien avant que tout cela n'arrive, à la mort de sa soeur jumelle Barbara – et n'attendait par conséquent rien en particulier de moi. Du moins, elle attendait probablement beaucoup moins de choses que Logan. Demandait-elle à ce que je sois la même que la dernière fois que je l'avais vu ? L'espérait-elle secrètement ? Non. Car après toutes ces années, il était normal pour elle de me voir changée, tout comme il me semblait normal de la voir ainsi grandie, devenue une brillante avocate, et maman en plus de cela ! Alors oui, techniquement, j'aurais dû avoir confiance, en allant chez elle et pourtant, j'étais morte de peur. Je faillis me liquéfier sur place lorsqu'elle m'ouvrit la porte et que je fis face à son sourire resplendissant, un sourire qui me mit presque mal à l'aise. Des années avaient beau s'être écoulées, Amy-Lee n'avait en rien perdu de sa bonne humeur, et de sa convivialité. Sans plus attendre, elle m'avait invitée à entrer, sans se formaliser une seule seconde de la réserve que j'émettais, contrairement à elle. En un sens, la voir si heureuse et souriante me faisait plaisir. Il fallait dire aussi que la dernière fois que je l'avais vue, ça avait été dans des circonstances assez particulière.... juste après la mort de Barbara. Naturellement, elle en vint à me demander comment j'allais. Question banale à laquelle je me sentis malgré moi obligée de mentir : car dire que j'allais bien n'était rien de plus qu'un mensonge, compte tenu que je luttais, chaque jour, pour ne pas laisser la dépression et les mauvais souvenirs du passé prendre le dessus sur celle que j'étais devenue – ou que j'essayais de devenir, du moins. Retournant rapidement la question à ma cousine, celle-ci m'assura qu'elle allait bien avant de me refermer la porte. Nous y étions ! Toutes les deux dans sa maison... Je sentis rapidement un léger malaise s'installer à moi et c'était à ce même moment que je m'étais excusée auprès d'Amy pour ne rien avoir apporté lui expliquant que tout ce à quoi j'avais songé n'avait pas été approprié – d'abord parce que je ne savais pas si elle buvait, et ensuite parce que j'avais tenu à respecter les valeurs qui m'avaient été inculquées étant enfant. Amy tendit sa main vers moi, la posa sur ma joue qu'elle caressa légèrement, comme elle le faisait lorsque nous étions enfant. En plus de me surprendre, son geste me fit tout drôle, me ramenant presque à lui seul à une époque que je pensais pourtant révolue. Une époque où tout se passait pour le mieux, dans le meilleur des mondes. J'esquissais un léger sourire.

« Ne t'en fais pas, je n'ai besoin de rien ! Et toi, tu bois de l'alcool ? J'ai préparé un apéritif, de la Piña Colada, ou je peux faire une strawberry si tu préfères. Sinon la même chose sans alcool ! » Tout en parlant, elle s'était dirigée vers le salon, et je l'avais naturellement suivie, bien que légèrement hésitante.

De l'alcool ? Oui, j'en buvais. Avec modération cependant. Car, une chose était certaine, je tenais très mal l'alcool. Hochant la tête, je répondis :

« Oui, j'en bois. Va pour une Piña Colada ! Ca doit faire des années que je n'en ai pas bu ! »

Pour sûr, puisque rien qu'en quatre ans, je n'avais pas bu une seule goutte d'alcool. Oh, entre nous, ça n'avait pas été ce qui m'avait le plus manqué. Il y avait eu bien pire pour moi que ce léger détail. Détournant le regard, je posai mes yeux sur les différentes photos qu'Amy avait mises dans la pièce. Principalement des photos d'elle et sa fille. J'esquissais un nouveau sourire en voyant la tête de cette dernière sur une photo qui la représentait dans les bras de sa mère. Je songeai un instant que j'aurais peut-être pu avoir ça, moi aussi : des photos de moi et de mon enfant. Si seulement il ne m'avait pas été arraché. Mon coeur se serra, et je détournai le regard, pour le poser sur une photo en noir et blanc d'Amy-Lee et de Barbara. Un sourire nostalgique aux lèvres, je me tournai vers ma cousine lorsque celle-ci reprit la parole pour me demander :

« Alors, dis moi, tu es depuis longtemps à San Francisco ? »

J'haussai les épaules.

« Quelques jours seulement... Bientôt deux semaines, pour être exacte. », répondis-je, sans rien préciser de plus, tant sur l'endroit dans lequel je m'étais trouvée avant de revenir ici que sur les raisons qui m'avaient poussée à quitter la ville. « Et toi ? » demandai-je alors, pas simplement pour détourner la conversation, mais aussi parce que sa réponse m'intéressait. « Tu t'installes définitivement en ville ? »

Amy Lee ne savait pas ce qui était arrivé à sa cousine et elle en serait certainement désolée mais pour avoir subit ces regards trop insistants lorsque Babsy était morte, elle ne les lui infligerait pas. Les gens ne font pas ça pour vous mettre mal à l'aise mais malgré tout ils vous regardent comme une bête de foire. La plupart ne prendront même pas la peine de réellement compatir, ils ne vous demanderont même pas si vous allez bien avec l'intention de vous écouter. Non c'était juste parce que ça se faisait, et que oui c'était triste alors une partie d'eux avaient de la peine pour vous. Mais dans la majorité des cas ils étaient surtout curieux. Curieux de savoir comment vous vous en sortiez, si vous pleuriez, si vous aviez une sale mine ou quoi...
Ce serait pourtant une bonne chose que Casey puisse un jour se confier à sa cousine. Même si leurs histoires n'étaient pas les mêmes, elles avaient de quoi se comprendre et se soutenir. Retrouver une vie normale après une épreuve est tellement compliqué, parfois même impossible mais il faut se battre très fort pour y arriver. Les autres attendent toujours que vous y parveniez juste parce que vous êtes avec eux mais ce n'était pas comme cela que ça fonctionnait. Se retrouver était une chose à la fois terrifiante et difficile. Cela prenait du temps. Amy Lee avait repris le contrôle de sa vie, grâce à sa rencontre avec Travis notamment. Oui parfois elle pensait même que c'était lui qui l'avait sauvée. Cela dit elle n'était plus la même. Elle était comme amputée d'un membre invisible mais qui persistait à lui faire mal. Casey ne l'avait pas vu depuis des années, aussi penserait-elle que c'était juste le passage à l'âge adulte qui l'avait changée...

Les deux jeunes femmes étaient maintenant dans la maison. Caseys emblait mal à l'aise et gênée. N'était - ce du qu'au fait qu'elle était arrivée les mains vides ? Amy lui caressa la joue, tout ce qui comptait était qu'elle soit là. Elle avait tout ce qu'il fallait pour leur soirée. Elle lui demanda si elle buvait de l'alcool pour savoir si elle pouvait lui servir la Pina ou non. Ce n'était pas un cocktail chargé mais pour quelqu'un qui ne boit jamais, ça faisait toujours de l'effet. Casey "vota" pour la boisson et Amy-Lee la laissa dans le salon pour aller chercher la carafe. Si elle n'était pas douée pour la cuisine, elle l'était au moins pour les cocktails ! Depuis la cuisine américaine elle lui demanda si elle était à San Francisco depuis longtemps. Quelques jours seulement. Elles étaient bien tombées alors le jour où elles s'étaient croisées !


« Nous avons emménagé il y a un an. J'ai suivi mon ancien patron qui ouvrait sa boîte. J'espère passer associée prochainement ! », répondit-elle fièrement. Elle revint rapidement avec la boisson qu'elle posa sur la table basse. « Et toi ? Tu étudies ? Tu travailles ? Tu prends le temps de réfléchir ?» Ajouta-t-elle avec un sourire. Si elle n'avait pas eu Milla, elle se serait sûrement pris une année sabbatique avant de se lancer dans la vie active. Mais on ne fait pas toujours ce qu'on veut ! Un jour peut être, lorsqu'elle aurait assez d'argent de côté pour ne pas travailler pendant un an ! Tout en écoutant la réponse de sa cousine, elle prit deux verres aux couleurs nacrées, spécial cocktail du genre. Une fois encore Amy n'était pas cuisinière mais avait de superbes services ! C'était toujours ça de pris non ? « Je suis vraiment heureuse de t'avoir retrouvée, tu sais. » Lâcha-t-elle sans transition en se retournant avec les verres. Quelque part c'était comme si elle retrouvait un bout d'elle même...