S'il y a bien une chose que je détestais par dessus tout, c'était bien m'ennuyer seule chez moi. N'ayant pas en tête de déranger qui que ce soit, j'avais donc un peu regardé ce qui se passait dans San Francisco en ce moment. Le soleil dehors encourageait à sortir de chez soit pour se balader dehors de toute façon. L'été arrivant, la ville ne manquait pas d'animation, la fête foraine qui s'était installée en était la preuve. Je ne sais pas si ça avait toujours été le cas, mais j'adorais les fêtes foraines, juste pour le plaisir de faire des attractions et de manger de la barbapapa. C'était enfantin dans un sens, mais c'était distrayant, on pouvait ainsi passer quelques heures à rire de bon cœur pour un rien. En bref, mon après-midi serait destinée à passer d'une attraction à une autre, en faisant le plein de barbapapa.

Quand j'arrivais sur place, autant dire que je ne fus pas déçue du spectacle. Un bon tas de manèges, d'échoppes s'éparpillaient tout autour. Certaines attractions s'élevaient, bien plus hautes que toutes. Une grande roue, et quelques manèges à sensation dominaient considérablement la fête foraine. Ça avait de quoi en ragaillardir plus d'un en tout cas. En plus de ça, il faisait bon, une bonne journée d'été en somme. Les gamins qui couraient, main dans la main, ou alors qui suppliaient leur mère de faire tel ou tel manège, d'avoir telle ou telle gourmandise, me faisaient rire d'une façon tout aussi enfantine. Les stands de tir à la carabine regorgaient de tout un tas de lots, pour la plupart des peluches bien plus grosses que la moyenne. En en voyant une, ressemblant à un gros éléphant, je me promis de passer y faire un tour plus tard. Je ne saurai sûrement pas quoi en faire si j'y allais maintenant alors...Je continuais de marcher au milieu de tout ça.

Un tour de grande roue et une barbapapa plus tard, j'étais devant un grand truc nommé le Top Spin, regardant les gens monter dedans pour être envoyé en l'air dans tous les sens. Je n'avais jamais essayé ce genre de truc, mitigée par les cris que poussaient les gens dedans. D'un autre côté, ça ne coûtait rien d'essayer, si ? Ça ne durait pas très longtemps, et en soit, ça n'avait rien de sorcier. Oui, non, peut-être...Oh allez. J'allais pas me dégonfler pour si peu. Une bande de gosses passèrent devant moi, se pressant pour aller prendre un ticket. Si ils en étaient capables, moi aussi. Déterminée, je m'avançais, achetant à mon tour un ticket, prenant place sur l'attraction. A peine la ceinture bouclée, et l'espèce de harnais de sécurité appuyé contre mes épaules, je agrippais au siège, commençant déjà à regretter mon choix. Le manège s'éleva d'un coup, d'une façon bien brusque à mon goût. Un tour, deux tours...C'était pas si terrible que ça en fait. Très vite, je me pris au jeu, hurlant de bon cœur dès que l'attraction entamait un nouveau tour sur elle-même.

Ça aurait pu se passer sans problèmes, si le manège n'avait pas décidé de se bloquer dans un grand bruit, nous laissant la tête pendante dans le vide. Au début, ça me faisait rire, les gens en bas aussi. Mais les secondes passant, je commençais à déchanter, surtout quand le haut parleur nous demanda de garder notre calme. Je respirais profondément. C'était rien, une mauvaise blague. Ça allait passer. Un autre coup d’œil en bas me rappela la hauteur à laquelle on se trouvait, ce qui n'eut pour effet que de m'affoler. Je me tenais à mon siège, tremblante, avec soudainement la peur au ventre que les harnais s'ouvrent, nous laissant nous écraser au sol. Un vertige violent commençait à me prendre. Je n'osais même plus bouger, m'agrippant comme si ma vie en dépendant. Et si c'était le cas, hein ? J'entendais des rires provenir d'en bas, mais là, y avait plus rien d'amusant. Je commençais à avoir réellement mal à la tête, et des fourmis dans les jambes, le sang semblant affluer mon cerveau pour m'empêcher de réagir correctement. Mes épaules étaient endolories, mes jointures blanches à force de m'accrocher. « J'VEUX DESCEEEEEENDRE ! » me mis-je à couiner pitoyablement.

Ma journée au centre Shao Yin se déroulait paisiblement. Je ne nie pas que j’étais fatiguée et qu’il me fallut recourir à quelques étirements entre deux massages pour vite évaporer les prémices de quelques douleurs dorsales. Je ne devais surtout pas me sentir en inconfort quand j’étais censée apporter un apaisement aux patients. Ils l’auraient tout de suite senti.

Je discutais avec tout ceux qui se montrèrent bavards, profitant parfois de ce qu’ils étaient trop concentrés à parler, pour détacher mes mains de leur dos et faire quelques mouvements pour détendre mes propres muscles.

C’est ainsi que j’entendis parler de la fête foraine de San Francisco. Aussitôt des images de foules, de jeunes qui se pressent et qui se draguent, de manèges, de bonnes odeurs, de solitude aussi s’imposèrent à mes yeux. Je n’allais jamais dans ces endroits étant enfant, je n’avais pas assez d’amis pour y prétendre. Parfois pourtant, ma grand-mère acceptait que nous nous y promenions, je mangeais des sucreries avec elle en enviant les grands groupes que nous croisions en plein fou rire. Malgré tout, la quiétude de celle qui avait été comme une mère pour moi suffisait à me rendre paisible. Comme je l’aimais. Comme sa disparition était une souffrance cruelle. Désormais il n’y avait plus que moi…
Je fus sorti de mes rêveries par le questionnement de l’un de mes clients. Aimais-je les fêtes foraines ? Quel genre de manèges je préférais ? Il se moqua de moi quand j’avouais ne pas avoir d’avis sur la première question et ne rien avoir à répondre concernant la deuxième.

Il me cita quelques manèges qu’il me conseillait, pas trop cher, et néanmoins à sensation. J’essayais de retenir les noms…en vain, bien que je doutais avoir le cran d’oser l’un d’entre eux.
À la fin de ma matinée de travail, je terminais de bonne heure ce jour là, j’optais pour rentrer chez moi sans passer par la case fête foraine de peur de réveiller des souvenirs. Pourtant, quand j’aperçus la grande roue et le tumulte depuis ma voiture, mes mains dirigèrent naturellement le volant vers cette zone d’affluence. Pourquoi pas ?
J’avais passé la matinée à m’occuper des autres… Me vider l’esprit en m’immergeant dans la foule allait peut-être me faire du bien…ou à défaut me changer les idées ?
Il faisait chaud et l’ambiance chaleureuse me fut étonnement agréable. Je passais devant les manèges et reconnu un des noms que m’avait cité mon patient le « top spin ». En observant le groupe qui l’occupait à ce moment là, j’avalais ma salive difficilement. Oh non je n’allais pas aller me faire retourner la tête la dedans, j’étais sûre de finir par vomir … Ce n’était pas mon genre…

Pourtant, plus je me promenais autour, plus je me disais que c’était une bonne expérience à tenter, je pourrais au moins me venter d’avoir essayé un manège à sensation… et puis heu… à qui je ne sais pas, ah oui, à mon patient qui me prenait pour une ringarde… dont j’espérais qu’il avait tord.

Après tout, c’était pas pour une fois, pour la première fois que dis-je, qu’il allait m’arriver quelque chose. Au pire je serais un peu malade…

Je m’incorporais dans la queue le cœur battant. Un peu plus tard assise dans le manège je regrettais déjà ma décision. Je ne trouvais même plus les raisons que j’avais trouvé à mon coup de folie.

Le manège s’ébranla, je serrais les dents. « Pitié … vite que ça s’arrête » pensai-je. On fut soulevés, et je me rendis compte qu’un rire manquait de rugir tandis que je hurlais lorsque l’on retomba. C’était amusant, bien qu’honnêtement, mon cœur s’en serait passé.
Un … deux looping et je remerciais le ciel de ne pas avoir la nausée.
Il y eut un drôle de retentissement lorsque le manège s’immobilisa alors que nous étions en l’air.

Inquiète je regardais la réaction de mes voisins et voisines dans l’espoir que ça soit normal. Je n’avais jamais pris de tel manège, je ne savais pas…
La plupart semblait amusé, ça devait faire parti du jeu… Même si j’étais une des rares à ne pas en rire. Mais quelqu’un parla dans un haut parleur pour nous signifier de garder notre calme, et c’est à ce moment là que je commençais à paniquer un peu. Apparemment ce n’était pas normal… C’était bien ma veine…la première fois que je …
J’essayais de ne pas déjà me plaindre mentalement. Après tout, c’était peut-être question d’une minute ou deux… Le sol me semblait si loin et la tête en bas … je n’étais pas particulièrement paisible. Plutôt mal d’ailleurs… Tout mon poids sur mes épaules … moi qui sortais d’un boulot fatiguant j’aurais pu rêver mieux. La fille à côté de moi semblait aussi angoissée que moi. Je l’entendis gémir qu’elle voulait descendre. Je la regardais en proie au même désir bien que ma nature optimiste me poussait à penser que ça allait vite être réglé.

-On a vraiment pas de chance, déclarai-je à ma voisine.

J’estimais qu’une conversation pourrait peut-être nous faire oublier pendant quelques secondes l’immense inconfort de la situation.

-C’est la première fois que je fais ce manège en plus ! Tu l’as déjà fait ? C’est déjà arrivé une panne comme ça ?

Pourquoi avait-il fallu que j’accepte de venir à la fête foraine peut-être parce qu’aujourd’hui c’était de vie de jeune fille et que les filles avaient voulu faire un tour à la fête foraine. Bon j’avoue que ça faisait longtemps que je n’avais pas été dans un tel endroit, c’était assez étrange mais tellement excitant. Heureusement pour moi, je n’étais pas déguisé, ce n’était pas pour moi ce genre de truc mais voilà c’était quand même une bonne journée qui s’annonçait, il faisait assez chaud et tout était parfait comme ça. Les filles étaient venues me chercher très tôt et tout avait commencé par une baignade en mer dans une tenue très dénudée, heureusement qu’il n’y avait personne à cette heure-ci, après ça avait été simple un petit déjeuné haut en couleur pour finir par des jeux tous aussi cons que les autres. Une chose était sur c’était que je m’amusais bien, depuis que j’étais avec Nath c’était simple, je prenais la vie autrement, je ne m’embêtais plus avec des préjugés qu’on pouvait faire sur moi, je ne prenais plus la tête non plus avec des regards qui parfois pouvait en dire long, c’est simple j’avais changé pour lui et j’en étais heureuse, au fond c’était tout ce que je voulais.

Nous nous trouvions à parcourir les allées des manèges à essayer train fantôme, auto-tamponneuse etc… à manger des barbes à papa, des chichis, je crois que je n’avais jamais mangé autant de cochonneries de ma vie mais ce fut un régal une fois de plus. Je ne pouvais que regarder les personnes autour de nous, à écouter les cris dans les diverses attractions, les odeurs de barbe à papa, de pommes d’amour, de nougats. Sans compter les enfants qui couraient dans tous les sens, faisant courir leurs parents ayant peur de les perdre. Je souriais en les regardant, me demandant si j’allais être pareille avec mes enfants mais une chose était sur c’est que je ne serais jamais comme les miens à renier ses enfants et surtout à ne pas les croire mais c’était ainsi on ne change pas sa famille. Pour moi c’est simple, ma famille aujourd’hui était Nathaniel et rien de plus.

On se retrouvait devant le manège Top Spin, je regardais sans rien dire, ce n’était pas vraiment un manège qui me donnait envie, être trimballée dans tous les sens n’était pas vraiment pour moi. Je regardais les filles qui me poussaient à y aller avant de soupirer et de finir par y monter me trouvant avec deux autres jeunes femmes. Le manège se mit en route et rapidement on se retrouvait balloter à droite à gauche, avant de se retrouver la tête en bas. Mais très vite un gros bruit strident se fit entendre avant de me retrouver avec les autres femmes la tête en bas. Sur le coup, je m’attendais à repartir de suite, que tout ça aurait pu être une farce des filles mais très vite, je vins à remarquer que ce n’était pas le cas. Je regardais la jeune femme qui paniquait puis la deuxième qui prenait la parole avant de regarder vers le bas. Je sentais déjà le poids de mon corps contre les sangles du manège. « Pfff j’espère qu’ils vont faire vite » j’étais pour le moment assez calme mais jusqu’à quand tel était la question…

Beuh...Mine de rien, cette situation, en plus d'être inconfortable, était absolument ridicule. Je le constatais aux rires et aux regards effarés des gens qui se trouvaient en bas. Bon dieu, soudainement, ce que j'aurai voulu être à leur place, histoire de pouvoir rire sournoisement des pigeons coincés en haut...Et pourtant. J'étais là, en haut de cette attraction, la tête en bas, les cheveux pendant lamentablement dans le vide. Je me sentais stupide, surtout à partir du moment où j'avais couiné à qui voulais l'entendre que je voulais descendre. J'avais vu quelques personnes se tourner vers moi, certaines compatissantes, d'autres moqueuses. Pour le moment, ils pouvaient bien me regarder de la façon qu'il voulait, ça ne changeait rien à aux trois mots qui tournaient en boucle dans ma tête : JE VEUX DESCENDRE. Pour le moment, je l'aurai crié à qui voulait l'entendre. Et pourtant, les minutes passaient, et toujours pas de nouvelles du côté du haut parleur qui restait inexorablement muet. Je n'osais même pas réfléchir à la situation, car que je le fasse calmement ou non, je m'affolais. Mes épaules étaient presque aussi endolories que mes mains à force de me soutenir, si ce n'est plus. La barbapapa que j'avais mangé précédemment, et à mon goût tous mes repas de la journées, me paraissaient de trop...Les idiots en bas n'auraient rien contre une galette party ? Eurk...Et bon appétit bien sûr...

On récapitule : une soudaine envie de vomir (et ce, tant pis pour les touristes en bas), les épaules et les mains douloureuses, le sang qui remonte à la tête créant un mal de crâne fort désagréable, une crise d'angoisse qui menace, et par dessus tout, UNE FOUTUE PANNE !!! Misère...J'avais rien demandé moi. Machinalement, je tournais la tête, regarder un peu autour de moi si je n'étais pas la seule à me sentir mal à ce point. D'un côté, je tombais sur une femme qui entama la discussion comme si de rien n'était, panne ou non. « On a vraiment pas de chance » Pas de chance ? Elle osait dire que nous n'avions pas de chance ?! C'était bien pire que ça ! Je me sentais presque prête à lui mettre un vent phénoménal avant de réaliser que ce qui me faisait agir ainsi, c'était tout simplement la panique, et la jalousie de voir que certain arrivaient à garder leur calme. Personnellement, je venais de découvrir ce qu'il y avait de pire qu'être enfermée dans un endroit clos avec ma claustrophobie aiguë : être coincé dans les airs. Bon dieu Jill, si t'arrives pas à te calmer, essaye au moins de communiquer! Quoique vu la peur qui me tordait les tripes, c'était bien mal barré. « C’est la première fois que je fais ce manège en plus ! Tu l’as déjà fait ? C’est déjà arrivé une panne comme ça ? » Trop de questions à la fois pour mon esprit paniqué... « J'en sais rien...J'aurai pas du venir... » C'était le moins qu'on puisse dire...Peut-être que dans ma vie ''antérieure'' j'avais aimé ces manèges, mais aujourd'hui, j'étais plus malade qu'autre chose. De l'autre côté, une autre jeune femme se se faisait pas non plus prier pour rouspéter. « Pfff j’espère qu’ils vont faire vite » Comme tout le monde en fait...

Quelques secondes passèrent. Je fixais le manège sur lequel nous étions, la foule en bas, le haut parleur qui continuait de se taire. Finalement, je laissais mes mains engourdies lâcher mollement le harnais de sécurité, m'y fiant complètement. « Par pitié, la prochaine fois que je veux me la jouer la grande aventurière sans peur, faites ce que vous voulez, pétez moi les genoux s'il le faut, mais EMPÊCHEZ MOI DE MONTER SUR UN TRUC DU GENRE » glapis-je.