Madi n’était pas là ce soir-là, elle avait décidé de sortir avec des copines de cours et Saph ne se sentait pas d’humeur à les suivre dans leur périple. Peut-être aussi, si elle voulait bien se l’avouer, souhaitait-elle seulement passer un peu de temps avec Cam. Oui mais sous quel prétexte ? Il était presque ridicule de penser au vu de leur passé respectif qu’elle puisse avoir besoin de lui, de ses sourires, de sa présence comme s’était pourtant le cas. Mais même en songeant à Amber, même en faisant son possible pour se dire que rien n’était possible entre eux, ce soir, alors que le doute la prenait, que le poids de son chagrin l’affaiblissait, elle ne voyait personne d’autre que lui à appeler. Ridicule ! Et pourtant, elle n’avait qu’une envie à cet instant précis, en sortant des cours, s’était de se blottir et de s’endormir dans ses bras. Chose qui se fait entre ami aussi n’est-ce pas ? Il ne risquait pas de mal interpréter sa demande vous ne pensez pas ? Après tous les instants passés ensemble ces derniers mois il devait bien avoir confiance non ?

Mais peut-être qu’elle avait tort, peut-être qu’elle se trompait à ce sujet, comme sur beaucoup d’autre ces derniers temps ? Peut-être que l’appeler était une erreur ? Peut-être devrait-elle le laisser s’éloigner ? Peut-être devrait-elle lui laisser le temps d’exister ? Est-ce qu’elle n’allait pas finir par l’étouffer en restant à ses côtés ? En le poussant comme elle le faisait à passer du temps avec elle, presque chacun de ses temps libres si elle avait osé ?

Mais si elle ne l’appelait pas, comment pourrait-elle continuer ? San Francisco ne serait pas pareil sans lui… Peut-être était-elle simplement trop romantique, n’avait-elle pas seulement besoin de faire de nouvelles rencontres ? De rencontrer de nouveaux garçons ? De flirter un peu ? De sortir comme autrefois ? Après tout, Madi avait raison, elle était une cherrios, elle se savait plutôt mignonne, que risquait-elle à tenter l’expérience ?

Alors que cette pensée traversait son esprit, Saphira pénétra les bras chargés de plats chinois à emporter dans la résidence étudiante en espérant qu’elle n’avait pas fait trop attendre son invité. De la musique résonna soudain à ses oreilles, puissante, pleine d’entrain, des éclats de rire, des gobelets posés ici ou là… Saph grimaça, elle avait oublié la soirée des Delta… Mais les delta eux, équipe de basket de la fac ne l’avait pas oublié…

-Ehhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh beauté ! Tu t’es enfin décidé à nous rejoindre ? Qu’est-ce que tu nous as apporté ?

Voilà pourquoi les cherrios avait déserté, alcool + mec bourré = ennuis à volonté…

-Pas vraiment !

Eut-elle le temps de lui répondre avant que son bras ne viennent entouré ses épaules pour la caller contre sa hanche et qu’elle ne détourne le sac de sa portée avant qu’il n’est le temps de chaparder…

-Ho allé juste un verre ?
-Ecoute c’est sympa, mais j’ai un invité qui m’attends, ou qui le devrait… Je te l’ai dit ce matin, ça sera pour une prochaine fois… sans faute…
-T’es pas drôle… et elles sont où tes copines ?
-Heu… je sais pas… aux dernières nouvelles elles avaient l’intention de vous rejoindre, elle ne devrait plus tarder je pense…

Mensonge ! Les filles ne viendrait pas à cette soirée, pas avec la réputation de ces joueurs, deux incidents avec des demoiselles dans l’année avaient suffis aux cherrios pour les pousser à les bouder…

-Ok ! Je vais y aller !

Poursuivit-elle en essayant de se dégager…

-Lâches-moi !

Exulta-t-elle en plongeant son regard dans le sien…

-Un ptit baiser, juste un ptit baiser et je te laisse filer… c’est le droit de passage pour avoir le droit d’entrer…

Saphira poussa un grognement exaspéré, cette résidence étudiante n’était finalement pas celle qu’elle espérait… C’est alors qu’un joueur de foot complètement bourré sorti d’une des chambres de la soirée, pour s’affaler tête première dans la plante verte et vomir tout ce qu’il pouvait…

-Et lui tu ne lui propose pas de l’embrasser ?

Agacé le garçon la retourna brusquement vers lui en lui enserrant les épaules fermement…

-Hey… arrêtes tu me fais mal ! Arrêtes tu m’entends ?

Saphira & Camden ♥

J' étais seul, dans mon appartement, à me morfondre sur des photographies d'un album trop récent à mon goût. Il ne contenait pas énormément d'images, puisque le temps nous avait manqués. Mais pour le peu, je me souvenais des rires heureux et cristallins de celle qui m'accompagnait et qui était la principale cible de mon art un peu maladroit. Amber, une jeune fille décédée il y a huit mois dans un accident de voiture. Un chauffard ivre qui conduisait trop vite et s'est endormi quelques secondes. Ce sont ces quelques secondes qui ont fait basculer ma vie et celle de la jeune femme. Si je m'en suis sorti, après quatre mois de coma, ce ne fut pas son cas. J'en souffrais chaque jour. Toutefois, depuis quelques temps déjà, la douleur s'estompait petit à petit. Je le devais à Saphira, la demi-sœur d'Amber. D'ailleurs, à l'instant même où mon esprit effleura son prénom et son visage, je fus surpris par la sonnerie de mon téléphone. C'était elle, qui m'invitait à venir dans sa chambre universitaire pour grignoter des plats chinois. Un sourire sincère s'afficha sur mes lèvres et j'acceptai sa proposition. Aussitôt le message envoyé, je refermai l'album que je rangeai dans le tiroir d'une commode de ma chambre et je me dirigeai dans ma salle de bain. Une douche plus tard, j'enfilai un jeans et une chemise blanche, avant de me coiffer maladroitement. Je pris mes médicaments, ceux contre le stress et ceux contre les douleurs physiques encore présentes, et je filai sur le lieu de mon rendez-vous en taxi. Je ne montais plus dans une voiture; j'étais incapable de reprendre le volant. Honnêtement, je ne savais pas si j'en serais capable un jour.

Saphira était devenue, au fil des jours passés à ses côtés, une sorte d'oxygène pour moi. J'avais constamment besoin de savoir si elle allait bien, ce qu'il s'était passé dans sa journée, si elle avait des projets d'avenir, et ainsi de suite. Plus le temps passait et plus j'avais envie de le partager avec elle, de voir son sourire s'élargir, de regarder ses yeux briller, de sentir son parfum, la chaleur de sa peau. Je sais, c'était totalement idiot de penser à cela envers elle. J'avais laissé mourir sa soeur, c'était à cause de moi si elle ne la verrait plus jamais. Comment pouvais-je m'imaginer passer plus de temps avec elle, me laisser aller dans ses bras ? Tout cela m'était interdit. Parfois, je me trouvais égoïste, voir même dégoûtant, d'oser penser à elle de la sorte. Notre relation devait demeurer simplement platonique. J'étais persuadé, de toute façon, que ce serait le cas. Saphira ne pouvait pas ressentir ce que j'éprouvais pour elle. Et en masquant bien mes émotions envers elle, je me persuadais que rien ne pouvait arriver.

Quelques minutes plus tard, alors que mes pensées vaguaient dans des réflexions personnelles, je me retrouvai devant l'université. Je payai le chauffeur de taxi et je descendis pour me rendre au sein de la grande bâtisse dans laquelle j'avais étudié l'art. Je connaissais donc suffisamment l'endroit pour me rendre dans la chambre de Saphira sans prendre le risque de me perdre. J'entendis alors la musique assourdissante résonner dans les couloirs. J'étais un peu en retard à mon rendez-vous, à cause du temps que j'avais mis à me préparer. J'espérais que Saphira ne m'avait pas invité à une fête surprise ou Dieu sait quelle plaisanterie; les fêtes étudiantes n'étaient pas mon genre. Je vis quelques membres des Delta, soit les sportifs de l'université. J'étais bien plus vieux qu'eux et pourtant j'avais une carrure assez imposante malgré tout, ayant pratiqué beaucoup de sport. C'est alors que des mots retinrent mon attention.

« Hey… arrêtes tu me fais mal ! Arrêtes tu m’entends ? »

C'était la voix de Saphira. Mes sourcils se froncèrent et je bifurquai rapidement dans le couloir. Un garçon, peut-être un peu ivre, tenait fermement la jeune femme. Plutôt, il la forçait de manière à ce qu'elle l'embrasse. En voyant cette scène, mon sang ne fit qu'un tour et je me rapprochai bien trop vite du jeune homme. Le saisissant par les épaules, je le fis tituber et je lui fis un croche-pied, de manière à ce qu'il tombe sur le sol. Je rattrapai Saphira, au passage, pour être sûr qu'elle ne tomberait pas dans la chute du jeune homme. Sans dire un mot, je fixai le jeune garçon sportif, et cela n'avait rien d'amical. Je n'étais pas violent et détestais hurler.

« Ca va, tu n'as rien ? »

Demandai-je en regardant Saphira, visiblement inquiet. Par précaution, mon visage se retourna sur le garçon. Je doutais sincèrement qu'il tienne à venir me frapper, même s'il semblait bien plus impulsif que de nature. D'autant que tous ses copains étaient présents. Hélas pour eux, j'étais sobre et je savais user de mes poings si je ne voyais d'autres solutions. Restant très calme, le visage impassible - du moins le plus possible - je les regardais tour à tour. Ma sérénité ne me lâchait pas, tandis qu'un des camarades du garçon par terre semblait venir pour l'aider à se relever.

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