Jailyn et Aaron

"S'il y a une chose à laquelle tu tiens par-dessus tout, n'essaie pas de la retenir. Si elle te revient, elle sera à toi pour toujours. Si elle ne te revient pas, c'est que dès le départ elle n'étais pas à toi." "

Et voilà c'était le jour tant attendu, un message et désormais plus rien ne serait pareil. Oh bien sûr ça il le savait depuis bientôt 7 mois mais que voulez vous, on ne se fait jamais bien à l'idée qu'une partie de vous était entrer dans un petit être. Que vous lui avez donné la vie. Cette vie que vous avez déjà tant de mal à comprendre, alors comment lui le pourrait ? Et puis un enfant était censé vivre avec ses deux parents, pas avec la moitié... Aaron savait parfaitement que Jailyn s'en sortirai avec lui, comme elle avait toujours tout réussi d'ailleurs, mais elle ne pourra pas combler ce manque d'un père... Un vrai père. Ne s'en sentait-il donc pas capable ? Clairement, non. Il arrivait très bien à s'assumer, mais sa vie sociale était en perdition. Et puis son milieu n'attirait généralement pas les bonnes grâces. Il ne donnait pas 2 ans au petit si jamais il venait à vivre prêt d'Aaron. Et ça il ne voulait pas. Bien entendu il aurait pu continuer à le renier, à le détester, à le mépriser même. Mais quand on a été haï à ce point pendant tant d'années par son propre paternel il est clair que celà laisse à réfléchir et que ca vous forge une mentalité bien différente.

Lui qui avait voulu marcher pour oublier, voilà qu'il s'était retrouver devant l'hopital où Jailyn avait accouché, et qu'en plus de cela il n'avait pensé à rien d'autre. Comme c'était encore le cas hier, et puis avant hier, et ainsi de suite... Levant le regard vers l'immense bâtiment, il fut soudain prit de vertiges. Aaron s'était tellement imaginer comment se passerai le jour où il accompagnerait sa femme lors de l'accouchement, qu'à aucun moment il n'aurait pu en venir à cette conclusion. Lui écarter de tout. Ne verrait-il donc jamais à quoi ressemble son enfant ? Se puniera-t-il d'avoir préféré sa vie plutôt qu'une vie bien ranger ? N'avait-il seulement eu le choix ? Trop de questions... Beaucoup trop... Une sueur froide l'envahit. Et s'il regrettait toute sa vie de ne pas avoir choisi de faire ses quelques pas en direction de la chambre et d'avoir opter, une fois de plus, pour la fuite ? Prit dans un tourbillon, il grimpa quatre à quatre les marches, enlevant au passage un bouquet de pivoine roses à un vieu bonhomme maugréant au passage une faible excuse, si encore ça en était une...

Devant la standardiste une foule, immense, attendait faisant la queue comme de parfait gens courtois. Aaron ni plus ni moins prit son mal en patience. Se pinçant les lèvres jusqu'au sang. D'accord ce n'était pas dans ses habitudes de faire la queue, mais était-il donc si pressé de voir son petit ? Une fois son tour il demanda sèchement la chambre, la secrétaire lui redemandant deux fois le nom tellement il parlait faiblement. Croyez le ou non ce n'est pas un homme de la trempe des Carter que nous avons là mais bien un petit surexcité et presque heureux... Se glissant parmi les gens, il réussi tant bien que mal à trouver la chambre où Jailyn devait se reposer... Avec lui... Alors que tous les pères auraient limite défoncés la porte pour rentrer, lui il mit un temps fou avant d'oser poser la main sur la clanche... Tellement d'ailleurs qu'une infirmière le regarda assez étrangement. Il savait qu'il pouvait reculer, c'était encore le bon moment, mais cela aurait voulu dire qu'une fois de plus il se cachait la vérité, qu'une fois de plus il fuyait... Et ça il en avait plus que marre. Prenant son destin en main il empoigna la clanche, et fit un pas dans la chambre... Puis deux... Puis trois... Avant de les voir, là tous les deux... Jailyn allongée dans le lit, l'air fatigué mais tellement heureuse, lui dans ses bras aux pays des rêves. Et qui était dans la chambre ? Le seul homme qui pouvait encore pourrir leur vie, le seul qu'elle ne désirait surement pas voir... Et lui il ne trouva rien d'autre que cette stupide excuse...

"Salut. Euh je passais par là et... Et je me suis dit que je pourrai monter.... Pour voir... Et puis... Enfin je sais que c'est stupide... Que tu ne me veux surement pas dans sa vie, ni dans la tienne d'ailleurs mais... J'avais ce bouquet pour toi alors..."

Gabriel. J'avais choisi ce prénom en référence à la Bible. Pour moi, la venue de mon Ange dans ma vie méritait un prénom d'une telle importance. J'avais toujours nourri une grande curiosité pour les mythes en tous genres, y compris religieux. Pourtant, je n'étais pas sincèrement croyante. De nature, mon peuple se voyait polythéiste. Celui de mon adoption, lui, était monothéiste et partait en guerre pour des croyances. Une fois de plus, l'Homme en venait à de nombreux extrêmes pour parvenir à imposer un seul idéal. C'était bien fourbe et révoltant ; Mais je n'y pouvais rien. Pas plus que pour les autres guerres, les maladies, la souffrance ou même la mort. Je vivais donc avec cette envie de soigner les malheureux. C'est pour cela que j'avais choisi médecine. C'est pour cela que, en dépit des circonstances, je n'aurais jamais pu enlever mon enfant de mon utérus, lorsque le choix m'a été offert.

Et, en regardant mon fils dormir paisiblement, je ne pus que m'affirmer que j'avais effectivement pris la meilleure décision au monde. A présent, j'en étais persuadée ; Il était tout ce que je désirais. Peu importe les épreuves, je saurai les traverser avec lui et le protéger envers et contre tout. A cette pensée, je déposai un baiser sur son front. C'est alors que la porte s'ouvrit. Aaron Carter se tenait là, sur le pas de la porte, avec un bouquet de pivoines rouges. Je fus surprise de sa visite. Toutefois, je ne disais rien. Je me suis murée dans mon silence, tandis que je l'observais de mes yeux fatigués. Sa venue me déconcertait.

« Salut. Euh je passais par là et... Et je me suis dit que je pourrai monter.... Pour voir... Et puis... Enfin je sais que c'est stupide... Que tu ne me veux surement pas dans sa vie, ni dans la tienne d'ailleurs mais... J'avais ce bouquet pour toi alors... »

Etrangement, un sourire apparut sur mon visage. Certes, j'aurais pu me mettre à le détester pour tout le malheur qu'il provoquait autours de lui ou même pour sa réaction lors de mon annonce de ma grossesse. Pourtant, je ne parvenais pas à le mépriser, malgré que je savais qu'il était le destructeur de la vie d'Elias, un ami très proche. Au contraire, je me sentais apaisée par sa présence. Je savais que, désormais, mon fils serait en sécurité. Car je me persuadais qu'Aaron Carter saurait le protéger. Je me disais qu'il le voulait tout autant que moi. D'un geste de la main, je lui fis mine de venir s'approcher, tout en parlant.

« Merci pour les fleurs… Viens, approche-toi. »

Je l'invitais à entrer dans nos vies, malgré ce qu'il venait de dire. Je ne refusais pas qu'il en fasse partie, bien au contraire. Seulement, avec Aaron, je ne savais jamais sur quel pied danser. De plus, j'étais persuadée que la présence d'un père faisait partie de l'équilibre d'un enfant. Malheureusement, s'il venait à rompre tout contact avec nous, je n'avais pas de petit-ami ; et donc aucun père de substitution à offrir à mon fils. Toutefois, je saurais me montrer suffisamment forte pour l'élever en mère célibataire tout en comblant ce vide. Lorsqu'Aaron s'approcha, je continuai sur ma lancée.

« Il a tes yeux, tu sais… »

Dis-je tout doucement en caressant le petit bras joufflu de mon fils. Lorsque j'avais envoyé mon message à Aaron, je ne lui avais rien dit. Si ce n'est que son fils était né et qu'il s'appelait Gabriel. Je ne voulais pas le forcer à venir, sans quoi il ne serait sans doute pas venu devant une telle contrainte de ma part. Il avait eu le choix. Et j'étais soulagée d'une telle décision. Regardant le père de Gabriel, je lui souris fébrilement, encore bien fatiguée par mes efforts de la nuit passée.

« Tu veux le porter ? »

Lui demandai-je, tout en le scrutant du regard, essayant de le comprendre. Mais comment entrer dans la tête d'Aaron Carter ? D'un autre côté, je me demandais s'il était capable d'entrer dans l'esprit des autres, lui. De se mettre à leur place. Je le revoyais enfant et, secrètement, j'espérais que Gabriel lui ressemblerait durant cette période de sa vie…

Jailyn et Aaron

"S'il y a une chose à laquelle tu tiens par-dessus tout, n'essaie pas de la retenir. Si elle te revient, elle sera à toi pour toujours. Si elle ne te revient pas, c'est que dès le départ elle n'étais pas à toi." "

Sa vie allait peut être changer pour toujours, mais il ne pourrait malheureusement pas renier ce qu'il était. Jamais... Aaron avait fait un choix de style de vie, un choix qui ne se prenait pas à légère, un choix dont on pouvait difficilement rebrousser chemin. Il aurait pu dire qu'il le regrettait, mais ce n'était hélas pas le cas. Il aimait ce qu'il faisait, peut être par simple goût du risque, ou bien parce que sinon pour lui la vie ne méritait d'être vécue ? Lui même ne savait pas vraiment. Toujours est-il qu'il aimait cette façon de jouer plus que n'importe quoi, plus que lui même... Alors si certains pensaient qu'il allait changer, parce qu'il avait désormais un enfant, il leur prouverait bien le contraire... Aaron n'avait tout simplement pas l'envie d'une vie bien rangée, d'une vie qui ressemble à des millions d'autres vies... Non il voulait être connu, riche, en dehors du système. Pour le moment il ne s'était pas trop mal débrouillé alors.

« Merci pour les fleurs… Viens, approche-toi. » Relevant la tête, Aaron fut... Surpris. Jailyn qui venait de le remercier. Ok il était prêt à entendre tout et n'importe quoi, surtout un tas de reproches cinglantes venant de sa part, tout mais surtout pas à un "merci". Alors comme pour endosser le coup, il lui fit un sourire, cette fois sincère. Un de ces sourires qu'on ne voit que très rarement sur son visage. Ainsi il ressemblait presque à l'enfant qu'il fut autrefois. Comme pour la remercier à son tour il s'avança vers le lit où elle reposait en compagnie de Gabriel. Dire qu'il était intimidé était petit... Jamais encore il n'avait eu aussi peur. Peur d'un bébé fallait pousser pour un homme comme lui, mais c'était le cas. S'il n'avait pas eu une grande maitrise de lui même, on aurait quasiment pu voir ses mains trembler. « Il a tes yeux, tu sais… » Regardant alors tour à tour Jai et le bébé, il n'aurait su dire si elle avait raison ou pas. Tout simplement parce qu'il n'arrivait pas à se faire à l'idée qu'il était ici, assis sur ce lit, en train d'admirer son enfant. Bien entendu il savait ce que serait la suite, il ne pouvait pas se le cacher, il savait aussi que ce serait dur, mais il n'avait pas le choix. De même qu'il allait devoir en parler avec Jailyn... « Tu veux le porter ? ». Un contact direct ? Etait ce la meilleure chose à avoir ? N'aurait-il pas du ne jamais venir ici, afin que son image ne le hante pas par la suite ? Peut être, mais il était venu, il avait franchi certaines limites, même ses propres limites, et il était désormais trop tard...

"Tu crois ?"

Et puis soudain tout s'envola, le boulot, les gens, ses craintes, et le plus délicatement possible, chose rare chez lui, il glissa ses mains sous celles de Jai. Une fois qu'il fut sur de sa prise, il souleva lentement Gabriel et le ramena à lui. Sans pour autant le coller contre lui. Pas tout de suite... Aaron se laissa alors tomber dans la contemplation du bébé. D'abord sa peau, puis ses petits yeux fermés, son nez, sa bouche, ses doigts si fragiles. Sans réfléchir il s'assit alors sur le bord du lit. Entrant en contact avec les jambes de Jailyn, mais sans pour autant se déplacer. Et puis ce fut le vide complet... Son coeur se serra, son estomac aussi... Ses yeux se mirent à briller. Ca ressemblait donc à ça une vie ordinaire ? Ce n'était pas si désagréable au fond... Ramenant son enfant dans le creu de ses bras, Aaron tourna ses yeux humides vers Jai. Elle était si sereine... Comment faisait-elle, alors qu'un criminel avait son bébé entre ses mains ?

"Je suis désolé Jai... Pour tout. Vraiment. Il ne méritait pas un père comme moi..."

Pour la première fois il s'en rendit compte... Compte que le petit n'aura jamais le père qu'il aurait aimé avoir. Compte qu'il ne verrait pas son fils grandir. Compte qu'il mettait le si peu des gens qu'il aimait en danger et ce constamment... Désormais une larme coulait sur sa joue... C'était étrange. Ca faisait mal, mais ce n'était pas physique. C'était beaucoup plus profond que ça... Détournant le regard de son enfant, il vint le placer dans celui de Jai, une nouvelle fois.

"Zach... Il pourrait être le parrain ? Je sais que je te demande beaucoup, sans doute trop, mais ce sera la seule façon pour moi d'avoir de ses nouvelles tu comprends ?"

La vie n’avait rien d’un cadeau lorsque l’on se retrouvait confronté à la réalité. Ce n’était jamais simple, beau et rose. On trouvait de nombreux obstacles, des choix difficiles à faire, des routes qui se croisent, des pas en arrière, des espoirs vaincus et anéantis, des croisements de chemin sans savoir lequel prendre, des doutes, des peurs, des larmes... Je me demandais parfois si Aaron pouvait être aussi distant qu’il le prétendait ? Ou était passé l’enfant insouciant et souriant que j’avais connu et qui avait bercé mes jours ennuyeux par des jeux d’enfants naïfs ? Ou était-il, perdu dans l’âme de ce grand homme qui m’avait offert le don de la vie ? Je ne le savais pas vraiment. Mais dans ses yeux craintifs, lorsqu’il les posa sur son fils, je crus l’apercevoir. Je lui dis alors que notre enfant avait les mêmes yeux que lui. Et c’était vrai, il les avait d’un bleu aussi pur que possible. Les mêmes qu’Aaron, avant qu’ils ne se durcissent. Je lui proposai alors également de porter Gabriel ; histoire qu’ils tissent un lien.

« Tu crois ? »

J’hochai doucement la tête. Lentement, il arriva à ma hauteur et me prit mon enfant, le portant alors avec une incertitude visible. J’aurais pu avoir peur ; peur pour la vie de ce petit être qui était si proche de cet assassin, celui qui ne reculait devant rien et n’éprouvait, visiblement, aucun remord à demander la mort d’une femme enceinte par pure cruauté. Pourtant, j’avais l’intime conviction qu’il n’arriverait rien à Gabriel. Comme si lui était immunisé contre la possible nuisance de son père biologique. J’étais même sereine, en réalité, ce qui me surprit plus qu’autre chose. Mais je n’étais pas au bout de ma surprise.

« Je suis désolé Jai... Pour tout. Vraiment. Il ne méritait pas un père comme moi... »

Cela me fit mal au coeur, surtout lorsque je vis la larme rouler sur sa joue. Il semblait subitement fragilisé, comme si la présence de Gabriel lui avait ôté toute armure. Cela me fit du bien de relever cette part d’humanité en lui. Pourtant, c’était douloureux de le savoir aussi malheureux. Je me mordis la lèvre inférieure, attristée par cette réalité remplie de souffrance pour lui.

« Ne sois pas désolé. Tu m’as offert le plus beau cadeau du monde. »

J’avais dit cette phrase très doucement, comme si ma voix allait se casser. J’aurais aimé trouver des mots rassurants, mais je savais qu’il n’y en avait pas. Il était vrai qu’il ne pourrait jamais réellement être un père modèle pour Gabriel et que ce rôle serait, peut-être un jour, délégué complètement à un autre. Il resterait naturellement le père biologique, mais je ne pouvais pas lui garantir quoique ce soit. Je savais qu’il n’oserait pas s’approcher de trop près de Gabriel, car il en allait de la sécurité de notre fils. Un secret bien gardé envers ses ennemis. Il ne pourrait jamais voir son fils grandir. Cet instant était, de ce fait, important et magique, même si bien triste dans le fond.

« Zach... Il pourrait être le parrain ? Je sais que je te demande beaucoup, sans doute trop, mais ce sera la seule façon pour moi d'avoir de ses nouvelles tu comprends ? »

« Si Zach est d’accord, je le suis aussi. Et je tâcherai de lui donner des nouvelles régulièrement. Ou tout du moins dès qu’il en demandera. »

Je voulais qu’Aaron puisse voir Gabriel grandir, même si ce n’était que des photos qu’il devrait brûler par la suite pour ne pas laisser de preuve. Je désirais vraiment qu’il puisse faire parti d’un morceau de lui. Peut-être souhaitais-je sauver l’âme du père de mon fils, dans le fond ? Je ne savais pas si la rédemption pouvait exister à un tel stade, mais je me savais prête à prier pour cela. Je lui souris alors, encore fragilisée par l’accouchement, admirant alors la scène devant moi. Cette scène qui serait, sans doute, unique.