"Monsieur Bayrick, nous ne pouvons plus assurer le transport à partir d'aujourd'hui. Croyez bien que j'en suis désolé"

"Dites surtout que vous ne voulez plus prendre en charge les armes de Mr Carter !"

"Non, non, vous vous m'éprenez totalement, et..."

"Mais bien sur ! Tout le monde sait qu'en ce moment même, l'entreprise est dans une très mauvaise passe. Et si en plus tous nos associés nous lâchent, comment voulez vous qu'on remonte notre image, hein ?"

"Je ne...."

La tête entre les mains, Aaron préférait rester en retrait de cette conversation qui ne prendrait fin que beaucoup plus tard. Bayrick, ancien homme de main, avait été choisi par ses soins pour conclure les affaires et trouver les meilleurs associés dans le monde du trafic des armes. Jusque là il avait toujours excellé. Aujourd'hui, on ne pouvait pas vraiment dire que l'entreprise se portait comme un charme... Plusieurs petits soucis avait fait que pas mal de monde évitaient désormais Aaron. La plupart avaient peur de lui. Notamment à cause du fait qu'Aaron aimait se montrer puissant, et aimait encore plus que tout le monde le sache. En ville, il était connu de tout le monde. En dehors, également. Alors forcément pour un trafic qui se veut discret ce n'était pas la meilleure des solutions que de travailler avec Carter. Les yeux fermés, il inspira douloureusement. Une de ses cotes portaient encore la marque d'Elias, lorsque cet enfoiré de Taylor, était venu libérer sa chère et tendre de ses griffes. L'échec qu'il avait subit ce jour là, Aaron ne s'en remettait toujours pas. Il avait finit à terre, totalement démunit face à ses hommes. La douleur avait été si forte que quelques jours de profonds repos avaient été nécessaire pour refaire surface. Cependant à son réveil, quelque chose s'était ramené, là planté dans son cerveau, lui envoyant constamment l'image de son défunt frère. Le pire dans tout ça c'était que l'image, elle parlait ! *Alors petit frère, c'est pas la joie en ce moment hein ?! Peut être que si tu ne m'avais pas tué, j'aurai pu t'aider. Peut être que si tu n'avais pas planter cette putain balle, juste là dans mon coeur l'autre jour, oui peut être que j'aurai pu. Mais bon comme je sens qu'on va cohabiter pendant un petit moment, j'ai tout mon temps pour te faire culpabiliser va...* Les doigts crisper sur son front, Aaron tentait de faire fuir cette image. Bordel mais c'était quoi ce merdier encore ? Ces hallucinations tout ça, ça venait d'où encore ?

"Mr Bayrick, encore une fois comprenez bien que j'en suis désolé mais..."

"Vos gueules ! Sortez tous ..."

Plus que de besoin il avait crier. Foutant la trouille aux deux personnes présentes, aucunes d'elles ne cherchaient davantage à discuter et elles prirent aussitôt congés. Enfin seul dans cette immensité qu'était son manoir. Aaron avait besoin d'air. Il prit alors sa veste, et donna l'adresse de Zach au chauffeur. Son ami, le seul fallait dire, pouvait peut être l'aider... Et puis depuis son réveil il n'avait pas encore prit le courage d'aller le voir à l'Hôpital. Parce qu'il avait peur de son regard, et aussi parce qu'il avait voulu le laisser face à la véracité des choses. En effet Zach au cours du séisme avait perdu un bras. Pour lui cette situation avait du être dure à gérer, mais il valait mieux qu'il y arrive seul, plutôt que des personnes ne cesses de lui rabâcher que ça irait... Parce qu'au final ça ne va vraiment jamais. Vous êtes toujours seul face à vos démons. Toujours... D'ailleurs en ce moment même, ceux d'Aaron étaient assis à côté de lui dans la limousine. S'en y prendre garde il sortit de la voiture et se rendit à la porte de Zach, parce qu'après tout s'il le snobait assez longtemps, peut être disparaîtrait-il ? Quelques coups de sonnettes, mais personnes. Pourtant Aaron savait son ami ici.

"Bordel Zach ouvre c'est moi Aaron !"

Après quelques minutes d'attentes la porte s'ouvrit violemment devant Aaron. Un Zach, pas au mieux de sa forme fallait l'avouer, apparut sur le palier. « Tu devras apprendre ces prochains mois à être un peu plus patient ». Moue dubitative, Aaron ne put s'empêcher de grimacer à la vue de son ami. Même l'argent ne pouvait rien faire dans ces cas là... Et pourtant de l'argent il en avait... Entrant à la suite de Zach, Aaron ne le quittait pas des yeux. S'il n'en montrait rien, le voir ainsi lui faisait mal. Parce que pour la première fois il se sentait totalement impuissant face à cette situation. Quoi qu'il en soit il serra les dents et continua d'avancer pour finalement se retrouver dans le salon. Les mains dans les poches, il n'était en effet pas venu ici pour rien. Pourtant avant toute autre chose il s'inquiéta de l'état de santé de Zach.

"Tu te sens comment alors ?"

S'il était désolé de ne pas avoir passer plus tôt chez lui, il ne s'en excusa cependant pas. Parce qu'il jugeait inutile de le faire sans doute. Quoi qu'il en soit, si Aaron tentait de gardait tant bien que mal ses émotions, il savait que Zach ne mettrait que très peu de temps avant de s'en rendre compte.

"Si tu as besoin de quoi que ce soit hein ... N'hésite pas."

Parce qu'il était le seul en qui Aaron avait entière confiance, parce qu'il représentait tout pour lui, et surtout parce que ces derniers temps ils ne cessaient de s'éloigner l'un de l'autre. Chacun prenant un chemin totalement différent. Et si Aaron en aurait tuer pour moins que ça, tout ce qu'il voulait c'était que Zach se sente bien, peu importe si pour ça il devait perdre son unique ami. Sa vie était assez solitaire comme ça pour qu'il s'interdise de tout perdre et surtout pas Zachary. En effet ses hommes de mains ne remplaceront hélas jamais ce que ce simple être pouvait représenter pour lui. Et ça ils le savaient tout deux... Prenant place sur le canapé, il fit signe à Zach de venir se poser. Ce n'était sans doute pas bon pour lui de tenir aussi longtemps debout.

"Je suis désolé pour tout ça Zach. J'aurai du être là ce jour là... Pas à faire le con comme je le fais à chaque fois. J'aurai peut être pu t'éviter ça."

D'un signe du menton il désigna alors le bras manquant de son ami. A l'évocation de cette journée, il revit en image le lieu dans lequel il se situait au moment de l'impact. Le lieu de travail de son frère. Arme à la main, il était entré dans son bureau. Le regard glacial, il l'avait abattu aussi froidement qu'il tuait d'ordinaire les personnes qui se glissaient sur son chemin. Sans un mot il avait levé le canon vers lui et avait fait feu. Il était mort comme ça, sans même pouvoir opposer une quelconque résistance... Aujourd'hui, étrangement, il ne l'avait jamais vu aussi présent que maintenant. En effet, en ce moment même, l'image de son défunt frère lui faisait face, assis sur une chaise il ne cessait de la narguer... *Alors, on a du remord petit frère ?Aller en faisant un tout petit effort, je suis sur que tu peux t'en vouloir ... Non ? Ma parole tu n'as vraiment qu'un coeur de pierre* S'il était facile de chasser les images de son esprit, il en était tout le contraire pour le faire fuir. Bordel comment on arrêtait ça !? C'était à devenir complètement fou. Se prenant le front entre les mains, Aaron tenta dans un ultime effort de faire le vide dans son esprit. En guise de récompense ? Une forte migraine...

S'il était venu chez son ami dans l'intention de lui révéler certaines choses, Aaron se sentait désormais perdre petit à petit sa confiance face à ses vérités. Parce qu'aussi il se rendait compte à cet instant qu'il n'était en réalité pas venu uniquement pour ça, mais également pour l'état de santé de Zach. En réalité il avait eu cette peur affreuse de le trouver dans un état quasi de dépression ultime, état, face auquel il n'aurait su réagir... Ca le terrifiait dans le sens où d'ordinaire c'était lui, Zach, qui était toujours là pour lui à le sortir de merdes pas possible. Et pour une fois qu'Aaron devait le protéger, l'aider, il en était tout bonnement incapable. Et ça, ça le foutait mal. « Et bien j’ai une liste de courses à faire si tu veux ». A sa réponse, Aaron arqua un sourcil dans sa direction. Ses courses ? Rien que ça ? Ouvrant grands la bouche, et la refermant aussitôt, il déglutit avec peine.

"Oh euh... Je ne fais pas les courses moi même, mais si tu veux je peux t'envoyer mon employée."

En effet, Aaron n'avait pour ainsi dire jamais mit les pieds dans un supermarché... Alors faire le plein de courses lui semblait une chose totalement insurmontable. Enfin toujours est-il que pour son ami, il serait prêt à tout...

Et puis Aaron tentait de se justifier, sur ce fameux jour, où curieusement leur vie allait pour toujours être bouleversé... Mais rien ne parvenait à sortir. Ce fut Zach qui le coupa. « Je doute que t’aies pu trouver ta place parmi les juristes, politiciens, le commissaire et j’en passe… », « Tu n’aurais rien pu faire, tu le sais bien. L’important c’est que toi, tu t’en aies sorti ». Devant cette vérité, Aaron baissa le regard, ses épaules s'affaissèrent d'un coup. Comment lui expliquer qu'il avait commit le meurtre de son frère ? Comment justifier un acte qui, il le savait, n'était pas justifiable... Tout se mélangeait à une vitesse folle... La pièce elle même prenait part à cette folie, tournant sur elle même. Et ce rire, qui ne cessait de cogner dans son cerveau. Parce que oui l'image de son frère ce n'était rien d'autre qu'une hallucination, cela ne pouvait être autre chose. Non ce n'était tout simplement pas possible. Puis soudainement il sentit une main, fraiche, se poser délicatement sur son front. Zach qui s'inquiétait pour lui alors qu'il avait éviter le pire... Non mais c'était le monde à l'envers. Pourtant Aaron s'apaisa à ce contact. Cela faisait du bien de savoir qu'on n'était enfin de compte pas vraiment tout seul... « Tu es un peu fiévreux. Tu devrais te reposer ces prochains jours. T’arrête jamais, Aaron » Aaron tentait tant bien que mal de secouer sa tête de gauche à droite.

"Non... Non, tu ne comprend pas."

D'un bon il se leva, chassant son vertige par le même coup, puis Aaron se mit à faire les cents pas dans l'immense salon. Un rapide coup d'oeil dans l'unique miroir de la pièce lui fit prendre conscience de son état. C'était à faire peur même aux fantômes... Dommage que celui de son frère soit un poil récalcitrant. Serrant les poings, les jointures de ses doigts devinrent aussi blanches que son visage. Il était peut être temps de se confier... Bien qu'il doutait de la réaction de Zach.

"Je l'ai tué Zach. T'étais là, sous les décombres, et moi pendant ce temps là je tenais ce putain de flingue dans les mains !"

Sans vraiment s'en rendre compte il avait haussé quelque peu la voix. S'emportant à tort et à travers il se rendit compte alors qu'une terrible migraine prenait racine. Bordel, cinq petites minutes de répit c'était trop demandé ? Face à la fenêtre, il croisa les bras sur son torse. Il était temps de tout avouer...

"J'ai tué Kyle"

Sa voix cette fois avait été calme, posé, glaciale... Comme ci aucun émotion ne pouvait prendre place dans son coeur. Mais s'il se comportait ainsi, c'était pour lui avouer la suite... Suite dont il doutait de la véracité.

"Il est mort, et je continue à le voir..."

Nerveusement ses lèvres se retroussèrent en rire. Tout ça il l'avait avouer à Zach sans même calculer de la suite des choses, sans même lancer un seul regard dans sa direction... Parce que désormais il la redoutait plus que tout. Et si son ami pensait qu'il était tout simplement fou ?

« Aaron… » S’il avait pu le supplier de ne rien dire, de ne pas continuer sur sa lancer, alors Aaron l’aurait fait. Mais rien ne sortie de sa minable bouche. Rien. Parce que pour le moment, observer le ciel au loin, était sans doute la seule chose qui pouvait réellement l’apaiser. Parce qu’il savait également que s’il osait ne serait ce que deux secondes tourner la tête, il le verrait à nouveau. Et ça, ça c’était mauvais. « C’est ton frère » A ces mots Aaron baissa le regard et grinça des dents. Il le savait tout ça ! La famille c’est censée être sacrée. Quelque chose sur quoi on veille précieusement. Mais pour lui cela ne signifiait rien… Faut dire ca avait toujours été la guerre entre ces deux là. Déjà petit il s’était sentit exclu d’une relation qui devait prendre tout son sens à mesure que les années passaient. Pire encore elle s’était détériorée à la mort de leur père. Les entraînant tout deux dans une bagarre interminable. Que pouvait-il changer à ça ? Rien… Vraiment rien.  Enfin Zach posa la question, ou plutôt l’affirmation, qu’Aaron tentait tant bien que mal de repousser au plus profond de lui. « Tu te sens coupable ?! » Et alors il voulu crier, crier le plus fort possible. Supprimer toute cette culpabilité qui le rongeait petit à petit. Parce que c’était ça la véritable source de douleur, la culpabilité. Et face à elle, il n’y a plus que deux choix possibles. Laisser cette culpabilité vous ronger de l’intérieur et faire qu’ainsi vous répétez inlassablement la même chose. Ou bien tenter de faire de votre mieux et essayer d’avancer. Mais ne rêver pas, la deuxième option est bien la plus dure à réaliser car elle implique le fait que vous puissiez reconnaître vos torts, et ça c’est une chose qu’Aaron Carter n’a encore jamais réalisé. Ces mains, blanchies par les contractions, se posèrent brutalement sur le rebord de la fenêtre.
 
« Je n’ai pas à me sentir coupable de ça… Parce qu’il ne représentait rien pour moi, parce que c’était une ordure, et parce qu’il n’a jamais souhaité autre chose que l’argent de mon père. »
 
Bien qu’il lui reprochait milles fois plus de choses que ça, Aaron se mit à douter. Pourquoi ? Pourquoi l’avoir tué ? Après tout il ne représentait aucune réelle menace pour lui. Il ne s’immisçait pas dans ses affaires, il ne prêtait même pas attention à lui… Alors quoi ? Une vieille rancune entre frère ? Possible, toujours est-il que cela ne justifiait pas son acte. *Mon pauvre frangin se poserait-il des questions ? Tu sais que ce n’est pas bien, quand on commence à s’en poser ? Ca amène à faire des erreurs. Mais ça tu… *
 
« La ferme. La FERME!! »
 
C’était sortit tout seul, comme une délivrance. Pourtant il ne se sentait pas mieux. Non et pour ainsi dire c’était pire, parce qu’il lui avait enfin prêté attention. Et alors ça ne voulait dire plus qu’une chose, ses hallucinations étaient belles et bien présentes… Puis il se retourna vers Zach. Le pauvre avait l’air complètement secoué. Bien entendu il ne s’était pas adressé à lui, ais comment croire un fou ?
 
« Excuse moi, ce n’était pas pour toi c’était… Peu importe, laisse moi un peu de temps ca passera. Il finira bien par partir… Raconte-moi plutôt que représente ce Lando pour toi »
 
Cette fois il plongea son regard dans le sien, comme si rien ne s’était passé quelques secondes auparavant, comme si rien n’était jamais arriver. Pourtant il sentait bien une présence dans son dos, et réelle ou pas ça lui donnait la chair de poule. Pour en revenir à Lando, il l’avait vu à l’hôpital quand Zach était encore dans le coma. Et c’est de là qu’il en a déduit une relation entre eux deux. Quant à savoir de quelle nature elle était, il n’avait pas réussi à en apprendre davantage de la part de Lando, alors peut être qu’avec Zach, ce serait différent.