Dix-sept heure vingt à la caserne des Coast Guard, le calme était de mise, aujourd’hui tout avait été très calme, en effet, l’équipe de garde n’était sorti qu’une seule fois pour un bateau en panne qu’ils avaient dû remorqué jusqu’au port, mais depuis c’était le calme plat, par expérience chacun savait que cela risquait de pas duré. En effet, en règle général, les journées comme ça finissait mal et c’est ce que ce disait Kieran qui était en train de se faire battre au poker par ses collègues. S’il continuait comme ça, ça allait être à son tour de se taper la vaisselle pendant tout le mois. Et c’était hors de question. Eh oui, que faire quand il n’y a pas grand-chose à faire ? Une petite partie de poker avec comme gain pour le premier perdant, la vaisselle pour une semaine, pour le second éliminer le ménage des bateaux et des véhicules et le gagnant dans tout ça… Il avait la vie tranquille pendant le mois, c’était déjà ça. Bref, aujourd’hui Kieran était le plus mal en point, il ne lui restait que quelques jetons et sa main était vraiment mauvaise, mais après tout s’il ne jouait pas le bluff, il était foutu quand même, alors il fit un tapis, essayant de paraitre sûr de lui. Cela marcha pour une personne, mais pas pour les autres qui après autant de temps travaillé ensemble, le connaissait vraiment trop bien et voilà comment il se fit sortir de la partie ! Avec comme récompense… entre guillemets la vaisselle de ce mois-ci ! Foutu journée ! Franchement, il aurait préféré avoir une bonne intervention et ne pas faire cette partie ! Râleur, Kieran jeta ses cartes en leur promettant que le mois prochain, il aurait sa revanche, mais cela fit rire ses collègues qui s’amusèrent à lui rappeler que le gage commençait de suite et que la vaisselle l’attendait déjà ! Poussant un juron, il se dirigea vers leur petit coin cuisine et entrepris de faire la vaisselle en effilant les gants super sexy rose fluo qui allait avec cette foutu tâche ménagère. Il frotta encore et encore quand une voix l’appela, il la reconnu comme étant celle du chef, Jake ! Apparemment quelqu’un voulait le voir, laissant sa vaisselle en plan avec grand plaisir, Kieran se dirigea vers l’entrée de la caserne !

« Qui est-ce ? » demanda-t-il à son chef. Qui pour toute réponse haussa les épaules et lui indiqua une jeune femme de dos qui attendait. Les sourcils de

Kieran se froncèrent, cette silhouette ne lui disait rien du tout et il était rare qu’il ait des visites sur son lieu de travail, en général il évitait de donner cette information aux filles qui fréquentait pour éviter des venues non prévue et dérangeante.

Le regard de Kieran détailla la jeune femme qui apparemment était venue pour lui, pour le voir. Qui était-ce ? Et surtout qu’est-ce qu’elle lui voulait ? Un soupire s’échappa des lèvres du jeune homme, alors qu’il se décider à aller à la rencontre de cette femme pour en savoir un peu plus. Quand cette dernière releva la tête avec un sourire jusqu’aux oreilles qui apparemment lui était destiné, Kieran stoppa net sa marche en avant. Il étudia son visage avec attention, essayant de se rappelé d’elle, mais sur le coup, il ne semblait pas la connaitre, non il n’aurait pas oublié un tel visage se dit-il avec un petit sourire en coin, mais pourtant il avait un drôle de sensation, elle lui semblait familière sans que pour autant il ne put y mettre un nom dessus ou un endroit où ils auraient pu se rencontré. Haussant les épaules et arrêtant sa réflexion, Kieran combla les quelques pas qui les séparer encore pour s’arrêter à deux mètres d’elle.

« Bonjour ? » dit-il avec un intonation à la fois polie, mais curieuse. « Que puis-je faire pour vous ? »

« Pardon de vous déranger aussi tard... » « Je m’appelle Keira. Keira Waynes. » Le visage du jeune sauveteur se figea en même temps que la jeune femme se présentait, son sourire aimable disparut et son regard se durci. Ce nom, il le connaissait, finalement il comprenait que sa tête lui soit familière, il l’avait déjà rencontré, mais pas réellement, au travers de photo… Des photos de son ancienne compagne, mais sur ses photos la jeune femme qu’il avait en face de lui n’était qu’une enfant. Ses photos qu’il avait apprécié regarder à une époque, mais que depuis un certain jour, il n’avait plus eu le cran de regarder, elles avaient été enfermé dans un carton même pas par lui non, par son père, lui avait plus jamais eu le cran de regarder une photo de Shannon, cela été trop douloureux, alors il avait essayé d’oublier en fuyant son pays, en fuyant tout ce qui lui rappelé cette femme qui était la femme qu’il avait le plus aimé et surement qu’il aimerait toujours plus que tout et voilà que maintenant qu’il avait trouvé une certaine stabilité entre souffrance et renouveau, sa sœur débarqué ici, dans son chez lui, sur son lieu de travail, son moyen de s’évader en sortant en mer ! Le jeune homme, en eu le souffle court et fit un pas de recul, passant une main sur son visage, fermant les yeux et les rouvrant comme pour se persuadé qu’il avait rêvé, mais non quand il les rouvrit elle était toujours là, devant lui. Et maintenant qu’il savait qui elle était, il revoyait Shannon dans quelques un de ses traits ce qui était vraiment douloureux, alors il détourna le regard. Aucun son ne voulait sortir de sa bouche, non, mais des dizaines de questions se bousculaient dans sa tête. Que faisait-elle ici ? Que lui voulait-elle ? Venait-elle pour lui faire regretter d’avoir connu sa sœur, de lui avoir volé ? Tout ceci passait dans sa tête à une allure rapide, alors que malgré lui, les images de sa fiancée venaient par vague dans son esprit.

Kieran essaya de relever la tête pour croisé le regard de Keira, mais il ne put le tenir que quelques secondes. Il finit cependant par ouvrir la bouche, une bouche soudainement sèche alors qu’il y a encore quelques minutes, il plaisantait comme un gamin avec ses collègues.

« Je… tu … qu’est-ce que vous faites ici ? »

C’était brutal, surement impolie quand on s’adressait à la sœur de sa défunte fiancée, mais pour l’instant c’était la question qui le taraudait avec virulence. « Qu’est-ce qu’elle lui voulait ? » Alors, pour l’instant son cerveau était trop surpris, trop éberlué, trop tourmenté pour être courtois et accueillant. Il savait au fond de lui qu’elle ne méritait pas ça, mais là, il n’avait pas le moyen de faire autrement. Son regard ne la fixait pas, non il était posé sur un objet dans son dos, il n’avait vraiment pas le courage d’affronté se regard, se regard qui devait le haïr, c’était forcément ça, il lui avait pris sa sœur après tout, même s’il n’était en rien dans sa mort, il l’avait quand même garder en Nouvelle-Zélande avec lui, alors qu’elle aurait dut rentré dans son pays à la fin de ses études, et surement que s’il n’avait pas insister elle serait toujours de ce monde… Oui, il était indirectement responsable de cette situation horrible qu’elle avait vécue, tout comme lui.

« I can’t change the past. But I wanna know.»

La vie est tout bonnement indomptable. Il y a cinq ans, tout allait au mieux dans le meilleur des mondes. Shannon riait aux éclats avec moi, à tablée, auprès de nos parents soudés. Aujourd’hui, je traquais le démon de mes nuits et je tentais d’accepter une mort vieille de quatre ans, tandis que mes géniteurs ne se regardaient même plus dans le blanc des yeux. Ainsi la vie est-elle faite. Etrange et sans précédent. On vit, on avance, on recule, on reste, on attend, on repart, on tombe, on se relève et tout cela pour mourir un jour. Nous ne laissons rien alors qu’une peine imprononçable à nos proches, suivit d’un silence glacial. Notre destinée s’arrêtait à cela.

Et moi, pauvre mortelle, je venais vainement pleurer un deuil que j’aurais dû faire il y a des années, sans succès, auprès d’un homme qui avait dû tourner la page d’un livre poussiéreux. J’allais alors réveiller des souvenirs incertains, enfouis dans une partie sombre de ses mémoires. Qui étais-je pour commettre un tel acte et pour quelle raison absurde osais-je venir le perturber ? Je baissai les yeux, punie par ma naïveté incandescente. A quoi m’étais-je attendue de sa part ? Qu’il m’ouvre les bras ? Quelle sotte ! Mes paupières se fermèrent quelques secondes, pour que je puisse reprendre le fil de ma misérable existence.

« Je… tu … qu’est-ce que vous faites ici ? »

Il était là, devant moi, et je relevai la tête avec une peine indéfinissable, attendant patiemment qu’il me lança un poing en pleine tête. Au lieu de cela, il m’assainit d’une violence verbale rare, bien que peu surprenante à la tendance des circonstances. Je relevai mon regard dans le sien. Il était beau. Très beau. Je saisis d’avantage ce qui avait pu attirer Shannon envers ce jeune homme, bien qu’il eut pris quatre ou cinq ans de plus que sur les photographies envoyées. Je tentai de sourire, une fois encore, mais ce fut une faible tentative de diversion. Mais c’est vrai, ça, qu’est-ce que je faisais ici ? Je regardai alors par la fenêtre, gênée, en me mordant la lèvre inférieure. Puis je tournai la tête à nouveau en sa direction.

« Je n’en sais rien. Des réponses, sans doute. »

J’avais dit cela posément, malgré une anxiété dissimulée. J’étais nerveuse. J’abordais ma présence comme une nécessité supérieure à sa vie refaite. Mon Dieu ! Suis-je si immonde que cela pour lui infliger pareille torture ? Quelle abomination. Alors, in extrémiste, je décidai de le toiser une fois de plus.

« C’était une mauvaise idée. Je… Je suis désolée ! »

Et là, je me tournai vers la porte, je l’ouvris et je sortis en courant de la petite cabane où il se logeait avec ses collègues. Je fus dehors en trombe et je me mis à courir, sans explication, en direction de l’océan. Je m’arrêtai, le souffle court, avant de sentir la pluie sur mon visage. Hélas, ce n’était pas de l’eau du ciel, mais celle de mes yeux ; ruisselant le long de mes joues. Je tremblais. J’étais vraiment une pauvre idiote, aveuglée par son désir de connaître les songes de celle qui était partie, quatre ans plus tôt, rejoindre les Anges.

C’était comme avoir un fantôme en face de soi, même s’il n’avait jamais vu de fantômes, mais là, c’était son passé qui lui revenait en pleine figure et s’en avertissement, c’était ce qu’il avait fui en quittant son pays natal, c’était la plus vive douleur de sa vie, c’était la plaie encore ouverte dans son cœur, voilà ce que représentait cette femme qui se tenait là, debout devant lui. Que lui voulait-elle ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi arrivait-elle alors qu’il avait retrouvé un semblant d’équilibre ? C’était une vengeance ? Ou le carma peut-être ! Kieran essaya de rester calme, ses mains s’enfoncèrent dans ses poches profondément comme pour ne pas faire un geste, ses poings a l’intérieur était plus que serré, il essayait vraiment de rester calme, mais son visage était tendu à l’extrême. Le regard de Kieran croisa et se posa dans celui de Keira et là, il eut un nouveau mouvement de recul, il sentit ses yeux commencer à lui piquait et il se dépêcha de les baisé pour ne pas en montrer plus à la personne qui était en face de lui, personne qui ne connaissait pas. Il savait qui elle était, mais pas ses intentions. A la réponse que voulait-elle, elle répondit. « Je n’en sais rien. Des réponses, sans doute. » Toujours tête baissé, Kieran fronça les sourcils ! Des réponses ! Des réponses à quoi ? Le jeune homme était vraiment perdue pour le coup et son cerveau ne lui répondait plus, il était comme mis en Stand by ! Il ne bougeait plus, ne disait rien, mais finalement il du relevait la tête quand il entendit à nouveau cette femme parlait. « C’était une mauvaise idée. Je… Je suis désolée ! » Quoi ! Sans bougeait, incapable de faire un seul mouvement Kieran observa cette femme qui avait été si importante pour la femme qu’il avait aimé partir en courant, mais pendant un temps qui lui sembla infini Kieran ne bougea pas. Que pouvait-il faire ? Devait-il aller vers elle, ou plutôt la laisser repartir ? La laisser repartir lui donnerait l’occasion de ne pas rouvrir cette plaie, mais d’un autre côté, il se sentait redevable, il se sentait pousser par « ce qu’aurait voulu Shannon » Et finalement, il se précipita à sa suite. Une fois hors du bâtiment, il tourna la tête à droite, puis à gauche à sa recherche et il la vit encore en train de courir vers la plage. Cette fois-ci, il ne fut pas long à réagir de peur de la voir partir pour de bons et de ne pas pouvoir s’expliquer ou tout du moins, savoir vraiment ce qu’elle lui voulait. Il courut aussi vite que possible pour la rattraper et par chance elle s’arrêta prêt du bord de l’océan. Le sauveteur ralentit son pas pour finalement s’arrêtait à deux mètres derrière elle. Que dire ? Que faire ? Il fit un pas en tendant son bras, mais il le laissa retomber le long de son corps, tout comme l’autre. Il était terrifier de cette situation, ça faisait longtemps qu’il ne s’était pas sentit si nerveux, si peureux, la boule dans son estomac était de plus en plus présente, mais il savait pertinemment qu’il ne pourrait pas rester là indéfiniment, alors il ouvrit sa bouche.

« C’est moi qui suis désolé… Je n’aurais pas dû réagir de façon si… enfin c’était inapproprié de ma part, mais tu, je peux te tutoyé ? » dit-il en s’arrêtant, sa voix n’était pas assuré, elle était hésitante. « Tu m’a surprise, tu étais l’une des dernières personnes que je m’attendais à voir. »

Le jeune homme avança encore un peu pour se retrouver à ses côtés, face à l’océan, cet océan qui était son havre de paix, c’était quand il était prêt de cette étendu bleu qui se sentait vraiment en paix et finalement, il le fixa en essayant de calmer sa respiration et en laissant son regard se posait sur chaque vagues qui s’écrasaient contre le bord.

« Tu m’a dit être venue chercher des réponses, mais lesquels ? »

« I can’t change the past. But I wanna know.»

J’avais couru, malgré le froid qui frappait mon visage blême, si près possible de l’eau, comme pour m’y jeter. Les larmes m’aveuglaient, perlant sur mes joues rosées. Les émotions violentes rendaient mon cœur plus palpable qu’à l’ordinaire. Il frappait contre ma poitrine, comme s’il désirait s’en extirper. Cette sensation désagréable aurait pu me faire vaciller, au point de m’effondrer sur le sol. Toutefois, je restai debout, bien que je n’aie aucune idée de comment mon corps arrivait à soutenir une telle pression psychique. Arrivée devant l’océan, je reculai un peu. Ma phobie. Inconsciemment, je m’étais réfugiée vers l’endroit dans lequel jamais je ne pourrais aller : l’océan. Je fus parcourue de frissons, tandis que j’essuyai mes larmes inutiles. Je contemplai cet endroit si vaste, si grand, si dangereux. Un léger soupire s’échappa de ma bouche ; j’haletais. Ma course contre moi-même avait eu pour effet de m’affaiblir d’avantage qu’à l’accoutumée. Je passai alors mes mains sur mes bras, afin de me réchauffer. Pourtant, je n’avais pas l’impression que mon corps était gelé. Au contraire, il me brûlait presque. Innocemment, je fis un large sourire devant ma vision. Cet horizon idyllique pour tant de monde, alors que j’étais pétrifiée de peur. L’angoisse se saisit de ma gorge et je reculai encore une fois de plus. Puis, au bout de quelques secondes, je secouai nerveusement la tête et je me retournai brusquement. Là, je fis un bond monumental en voyant Kieran qui se tenait face à moi. Mes yeux apeurés l’avertissaient certainement que je n’étais pas au mieux de ma forme. Néanmoins, je tentai de me calmer. Pour quelle raison m’avait-il suivie ? Mon regard se remplit de questions. Après tout, sans doute souhaitait-il que je disparaisse de sa vie, comme si je n’avais existé. Comme si je ne fus qu’une illusion, un parfait cauchemar. Je tentai toutefois de lui sourire un peu, comme j’en avais tant l’habitude.

« C’est moi qui suis désolé… Je n’aurais pas dû réagir de façon si… enfin c’était inapproprié de ma part, mais tu, je peux te tutoyé ? »

Je fus étonnée et j’ouvris la bouche. Aucun son ne sortit. Il n’avait pas à s’excuser. Après tout, c’est moi qui intervenais dans sa vie sans prévenir. Je déglutis et j’hochai la tête. Bien entendu qu’il pouvait me tutoyer, quelle question. Il était plus vieux que moi, certes, mais pas de beaucoup.

« Tu m’a surpris, tu étais l’une des dernières personnes que je m’attendais à voir. »

Je le comprenais. J’étais apparue dans sa vie sans aucun commentaire ; aucun avertissement. Rien. Juste ma présence indésirable et ma volonté de découvrir la vérité. Je baissai instinctivement les yeux. J’aurais pu au moins l’appeler, avant. Combien de fois avais-je pris le téléphone entre mes doigts, sans jamais oser composer le numéro ? Je ne savais que lui dire. Et puis, le jour où je me suis décidé, il n’était plus en Nouvelle-Zélande. On m’a annoncée son déménagement à San Francisco. Et je ne connaissais rien de sa vie. J’avais dû arpenter toutes les adresses à la recherche d’information. Heureusement que j’étais persuasive et très entêtée. Sinon, je ne l’aurais jamais retrouvé. Mais était-ce une bonne chose ? Il s’avança en toisant l’océan. Il l’aimait. Cela se lisait dans son regard. Je me retournai alors, faisant face à cette eau terrifiante.

« Tu m’a dit être venue chercher des réponses, mais lesquels ? »

Je fixai l’océan, ainsi que les vagues qui déferlaient à l’horizon, se perdant dans mes troubles pensées. Je fermis les yeux, quelques secondes. Je vis le visage de Shannon, me souriant. Nos batailles d’enfants. Elle me manquait terriblement. Je ressentis une violente douleur dans ma poitrine alors que mes larmes remontaient. Mais je les contenais, cette fois-ci. Sans adresser mon regard à Kieran, je souris dans le vide.

« Comment était-elle ? Avec toi. Avec sa « nouvelle vie ». Était-elle différente du début ? Te parlait-elle de moi ? Ou de nos parents ? »

Puis je tournai ma tête contre lui, le regardant du coin de l’œil. Mon sourire se voulait triste. Mes yeux embrumés de larmes. Toutefois, je résistais. Je continuais d’arborer fièrement mon sourire, véritable soleil lorsque la situation s’y prêtait. Je souriais sans arrêt. Jamais je ne me lassais de ça. Parce que même si j’étais anéantie par le chagrin, il fallait remonter. Dire aux autres que tout irait bien. Autant pour moi que pour eux.

Inerte derrière cette jeune femme qui venait de l’assommer rien que par sa présence, Kieran attendait le bon moment, le bon moment pour parler, mais surtout il attendait de trouver quoi dire, parce qu’à l’heure actuelle, il ne savait pas quoi dire, tout était extrêmement mélanger dans son esprit et il devait avant tout retrouver de la clarté dans ses pensées avant de pouvoir parler avec un peu plus de calme avec Keira. Alors, qu’il n’avait toujours pas trouvé, elle pivota sur elle-même et lui fit face, mais au vue de sa surprise et de son visage, elle ne semblait pas consciente de sa présence derrière elle. Aurait-il dû signaler sa présence ? Surement ! Il essaya tant bien que mal de laisser fleurir un sourire sur ses lèvres, mais ce sourire était vraiment forcé et ressemblait plus à une grimace d’excuse qu’à un sourire d’excuse. Après avoir pris une grande inspiration, l’ainé des Hamilton ouvrit la bouche, il fallait qu’il parle, il ne pouvait pas rester stoïque devant elle. Après tout s’il avait eu ce besoin de la suivre, il ne pouvait pas laisser tomber maintenant, parce qu’il le regretterait un jour ou l’autre et parce qu’au fond de lui, il se disait que Shannon n’aurait pas aimé son attitude envers sa petite sœur qu’elle aimait plus que tout. Il lui devait ça, en sa mémoire, il devait essayer de contrôler ses émotions et tenter de répondre à ses questions. Avec des difficultés, Kieran essaya d’expliquer son attitude, de s’excuser surtout de l’avoir un tant soit peu agressé quand elle l’avait interpellé avec son nom. Le regard de Kieran l’observa, la détailla, elle était si semblable à sa sœur, c’était des petits détails, mais il avait toujours l’image de Shannon dans sa tête, il avait gardé toute ses manies dans un coin de sa tête, toute sa gestuelle, son regard… Un sourire sincère fleuri cette fois sur les lèvres du sauveteur alors que son regard commençait à briller à la pensée de ses souvenirs. Il baissa la tête et s’approcha d’elle, s’arrêtant à sa hauteur, mais ne la regardant plus, il toisait l’océan, c’était sa façon de s’apaisé, parce qu’observer Keira lui rappelait trop de souvenir, certes heureux, mais aussi douloureux. Puis, il posa sa question : Qu’elle réponse voulait-elle ? Il ne savait même pas s’il serait capable de lui donnait des réponses, mais après tout, elle avait traversé le pacifique, fais des milliers de Kilomètre pour le trouver, il pouvait bien tenter d’y répondre.

« Comment était-elle ? Avec toi. Avec sa « nouvelle vie ». Était-elle différente du début ? Te parlait-elle de moi ? Ou de nos parents ? »
Finalement, elle avait posé ses questions, le jeune homme baissa la tête pour regarder le sable sous ses pieds, rallumant des souvenirs de sa compagne. Un sourire nostalgique vint glisser sur ses lèvres un instant, avant qu’il ne relève la tête et tourne la tête vers Keira. Il était en mesure de lui répondre, parce qu’au fond, elle avait le droit à des réponses. Si ça avait été sa sœur ou son frère, il aurait tout fait pour avoir aussi des réponses pensât-il.

« Elle était souriante, énergique, toujours en activité, elle n’arrêtait pas une minute, il fallait toujours que je lui dise : ‘Tu as le temps, prends le… Viens t’assoir.’ »

Les yeux commençait à lui brûler à nouveau et il détourna le regard, mais son sourire amusé en y repensa ne bougea pas.

« Non, la fille que j’ai rencontré et toujours rester la même, je ne sais pas comment elle était avec toi ou ta famille, mais avec moi, elle est toujours resté la même, je ne pense pas qu’être avec moi l’a changé. En tout cas, je ne l’ai pas vécu comme ça, pour moi elle a toujours était la même. A me chercher constamment, à m’envoyer des piques pour me faire réagir quand ça n’allait pas, elle était toujours en train de me faire rire… Même quand pour elle ça n’allait pas, parce que vous lui manquiez. » Kieran accompagna cette dernière phrase d’un regard appuyé sur son « ex-belle-sœur » Ils évoquaient souvent leur famille, se racontant les betisses faites petits avec leur fratrie. Les disputes des parents, les manques de chacun.

« Elle m’a souvent parlé de tes parents et de sa petite crevette. Au début, ce n’était pas fréquent, elle préférait garder sa pour elle, mais au fur et à mesure, elle s’est ouverte à moi, évoquant souvent sa famille et son pays. » Kieran fit une pause, avant de reprendre la voix sèche et désunie. « On devait même passer les vacances d’été suivante chez elle. »

Sa main passa sur son visage, essayant d’effacer la tristesse et le manque, mais c’était ineffaçable. Comme vider de toute énergie à cette évocation, le jeune homme se laissa glisser sur le sable pour finir par s’assoir, son regard ne lâchant pas l’océan.

« I can’t change the past. But I wanna know.»

J’étais éprise de vertiges intérieurs. Ceux que je ne détectais pas forcément au physique. Toutefois, je me mis à trembler légèrement, tandis que mes yeux se perdirent sur la contemplation des vagues qui se ramenaient sur le sable fin. Cela me fit penser d’avantage à Shannon. Elle avait été là, l’espace d’un instant, puis la vie avait repris ses droits pour l’emporter ailleurs. Loin de moi. Cette vague m’y fit songer. Elle venait sur le banc de sable et emportait avec elle des souvenirs. Des traces de pas ; ceux de amants enlacés qui marchaient sur la plage. La plage qui possédait tant de souvenirs. Où partaient-ils, ses souvenirs ? Ils se perdaient dans les abymes de l’océan. Je frissonnai, la peur me tortillant le ventre. Mes yeux émeraude se posèrent alors sur Kieran. Il était grand. Fort. Droit. Calme. Et pourtant tellement triste. Je me sentis mal de lui infliger une pareille douleur, lui qui n’avait rien demandé.

«Elle était souriante, énergique, toujours en activité, elle n’arrêtait pas une minute, il fallait toujours que je lui dise : ‘Tu as le temps, prends le… Viens t’assoir »

Je ne pus émettre qu’un faible sourire sur mes lèvres. Je reconnaissais bien Shannon là-dedans. Durant notre enfance, elle n’avait de cesse de courir partout et ne tenait jamais en place. Il fallait qu’elle puisse bouger, rire, danser, sautiller, sans arrêt. C’était une manière à elle de prouver qu’elle existait et qu’elle désirait ressentir. Pleine de vie. C’était ce dont je la qualifiais, du temps où ses poumons fonctionnaient encore. Je baissai les yeux à cette pensée. Elle me manquait horriblement. C’était si douloureux de vivre sans elle.

« Non, la fille que j’ai rencontré est toujours restée la même, je ne sais pas comment elle était avec toi ou ta famille, mais avec moi, elle est toujours resté la même, je ne pense pas qu’être avec moi l’a changé. En tout cas, je ne l’ai pas vécu comme ça, pour moi elle a toujours était la même. A me chercher constamment, à m’envoyer des piques pour me faire réagir quand ça n’allait pas, elle était toujours en train de me faire rire… Même quand pour elle ça n’allait pas, parce que vous lui manquiez. »

Je redressai un peu mon regard, que je posai sur lui. Je le détournai face à l’océan. Je suis persuadée qu’elle aurait aimé être ici, avec nous deux, en riant. Elle se serait jetée dans l’eau et je lui aurais crié dessus, parce que moi j’étais effrayée. Elle m’aurait ri au nez et m’aurait couru après pour m’y mettre, ou alors pour simplement me mouiller jusqu’à ce que je sois trempée. Plus je regardais l’eau, plus je la visualisais. Je sentis mon cœur tressaillir. Je me mordis la lèvre inférieure, tandis que le vent jouait avec mes cheveux.

« Elle m’a souvent parlé de tes parents et de sa petite crevette. Au début, ce n’était pas fréquent, elle préférait garder sa pour elle, mais au fur et à mesure, elle s’est ouverte à moi, évoquant souvent sa famille et son pays. »

« Sa petite crevette ». C’était moi. C’est moi. Je suis et resterai toujours cette petite crevette qu’elle taquinait sans arrêt. Alors, pourquoi ne donnait-elle que si peu de nouvelles ? C’est là que je compris : on lui manquait. Parfois, le silence est préférable. On n’a pas envie de se laisser aller. Alors il faut tenir bon et espérer que la douleur s’efface pour affronter notre tristesse. C’est ce que Shannon faisait. Et c’est aussi ce qui fit que je lui en ai voulu. J’avais le sentiment d’être abandonnée, à moi-même.

« On devait même passer les vacances d’été suivante chez elle. »

Je sentis la tristesse dans sa voix. Je le regardai alors, compatissante. Ca devait être si douloureux de perdre la personne que l’on aime. J’avais perdu une sœur. Il avait perdu sa moitié. Je pense que mon visage exprimait la détresse dans laquelle je me trouvais. Toutefois, je ne parlais pas. Je m’enfermais dans un mutisme pour éviter d’élever la voix. Parce que ce n’était pas mon récit. Ce n’étaient pas mes souvenirs. Il s’agissait de Kieran, là. Je lui fis un petit sourire. Comme Shannon, j’avais pour habitude de passer au-dessus de mes émotions en souriant. C’était plus facile et dans notre nature. On souriait et riait pour rien. Pourtant, je lui devais bien quelques paroles.

« J’aurais été ravie de t’avoir pour beau-frère. Et mes parents t’auraient adoré. »

Dis-je doucement, dans une tonalité émotive. Je masquais mes émotions en vain, parce que tout me trahissait. Je n’étais pas faite pour jouer les dures, les froides ou les méchantes. Non. J’étais ce que les gens qualifiaient de « trop pure » pour cela. Je soupirai un peu, afin de retrouver ma respiration qui s’était perdue. Coupée. Puis je pris une grande inspiration et je regardai l’océan.

« Merci. »

Oui. Merci. Parce qu’il avait su me délivrer. Shannon n’avait pas changé. Elle était la même que dans mes souvenirs. Et maintenant, je savais que son silence résolvait d’une tristesse infinie dont elle ne se débarrassait pas. Je lui manquais. On lui manquait. Je passai alors mes mains sur mes bras, pour me réchauffer, tandis que je toisais l’océan. Si vaste. Si terrifiant. Puis je me retournai vers Kieran. Je réfléchis. Puis je parlai.

« Enfaite, je vais rectifier. Je n’aurais pas été ravie de t’avoir pour beau-frère. » Puis je fis une pause, en souriant doucement. « Je suis ravie que tu sois mon beau-frère. Aujourd’hui. Et pour toujours. »

Parce que Shannon l’aimerait toujours. Parce qu’il faisait partie d’un bout de mon histoire et la moitié de celle de Shannon. Parce que c’était comme cela pour l’éternité. Quoiqu’il fasse, il serait lié à elle. Quoiqu’il fasse, il sera mon beau-frère, même marié à une autre personne. Alors je souris. Puis je reportai mon attention sur l’océan. Ca allait mieux. Je n’étais pas guérie. Mais ça allait mieux.

Tous c’est souvenirs était aussi joyeux que douloureux pour le jeune homme, mais d’une certaine manière, c’était bien… bien de pouvoir enfin partagé sa douleur, mais surtout son amour pour cette femme avec quelqu’un qui l’avait connu et surtout aimer comme lui. C’était peut-être ce qui lui avait manqué pour faire pleinement son deuil, quelqu’un pour partager, quelqu’un pour l’aider à surmonter cella, mais aussi quelqu’un à aider à son tour. Parce qu’il était certain pour lui que si elle avait traversé l’océan pour être là, qu’elle avait quitté famille, amis et travail pour le retrouver, c’est qu’elle non plus ne devait pas avoir fait le deuil de sa sœur. Son regard toujours posé sur l’océan durant sa prise de parole, ce déporta sur Keira, mais il le détourna très vite, ne voulant pas voir la façon dont elle l’observait, non il ne voulait pas voir cette compassion, même si elle était naturelle, il n’était pas encore prêt à accepter d’être observé de cette manière. Il ferma les yeux, se rappelant chaque trait du visage de sa compagne, chaque petite mimique, le son de son rire et là, un sourire se dessina sur ses lèvres à lui et il consentit à regarder Keira et à accepter… accepter son soutien, parce qu’elle en avait autant besoin que lui en avait besoin.

« J’aurais été ravie de t’avoir pour beau-frère. Et mes parents t’auraient adoré. »
Les sourcils de Kieran se froncèrent devant cette déclaration, déclaration qui lui fendit le cœur, mais de façon très étrange, c’était à la fois heureux qu’elle l’accepte, mais aussi triste de savoir qu’il ne le serait jamais. Son regard doux se posa sur cette belle-sœur qu’il aurait dû avoir si les choses avaient été simples et heureuse, mais ce n’était pas le cas. « Merci. » Pourquoi ? Voilà le mot qui passa aussitôt dans l’esprit de Kieran. Avant qu’il n’y est pensé sa main se déplaça pour se poser sur l’avant-bras de Keira, puis descendit vers sa main pour se poser sur le dessus.

« Pourquoi ? »

Oui, il fallait qu’il demande, sinon ça resterait une question en suspens.
Ses yeux vert l’observer attendant une réponse, mais ce n’est pas elle qui arriva. « Enfaite, je vais rectifier. Je n’aurais pas été ravie de t’avoir pour beau-frère. » Le jeune homme ferma les yeux blessé. Qu’avait-il cru ! Cependant ses pensées noires s’arrêtèrent en entendant la suite. « Je suis ravie que tu sois mon beau-frère. Aujourd’hui. Et pour toujours. » Il observa curieux, curieux de savoir si elle était sincère et elle semblait vraiment, mais alors vraiment sincère, ce qui le toucha, faisant brillé encore une fois ses yeux. Puis, lentement un sourire se dessina sur ses lèvres.

« Je… Une belle-sœur... ça me plait assez. »

Son sourire se fit plus amusé, plus rieur, montrant une autre facette de lui, celle qui essayait de surmonter la perte. « Par contre je te préviens, mon frangin et ma sœur disent que je suis un emmerdeur comme grand frère. »

Finalement, Kieran se releva oubliant l’océan quelques minutes.

« Ecoute, je fini le boulot dans deux heures, si tu veux, on peut aller diner en ville ou non, j’ai mieux, viens chez moi, j’ai quelque chose à te montrer. Enfin, si tu es libre. »

Son regard plein d’attente était porter sur cette jeune femme, jeune femme qui venait de faire bouger son monde qu’il s’était construit ici, mais qui en même temps ne pouvait pas être néfaste pour lui.

« I can’t change the past. But I wanna know.»

D’un côté, je m’en étais longuement voulu de revenir au sein du passé commun que nous avions, Kieran et moi. Mes parents trouvaient que c’était une mauvaise idée. Eux, ils préféraient oublier. Ne jamais en parler. Comme si elle n’avait jamais existé. Je leur en veux de tenter d’effacer radicalement ma sœur de leur vie. D’autant qu’ils ont tort. Vraiment tort. Cela ne les soulage en rien de rester dans leur mutisme respectif. Au contraire. Suite à cet accident, survenu quatre ans plus tôt, ils en sont au stade de divorcer dans le présent et pour le futur. N’affecte-t-elle par leur vie, malgré ce qu’ils prétendent ? Si. Mais ils sont trop malheureux pour l’admettre, au fond. Ils aiment d’avantage se complaindre dans leur miséreuse vie faite de faux-semblants. C’est pour cette raison qu’ils s’étaient opposés à ce que je parle de Shannon ; ils m’enfermaient sans arrêt dans leur malheur en me privant de mes libertés, pour être sûrs que jamais je ne répéterai la tragédie que mes parents vivaient. Ce qui m’amène à ce que je sois toujours « épurée » dans un monde où rien n’est jamais épargné. Alors, ce cocon m’a valu bien des embrouilles et des tristesses. Notamment, je suis toujours… vierge. Une honte d’un certain côté. Cela affecte ma vision de la vie. Ma vision d’aimer ; pour tout autant que je puisse le connaître un jour.

Mes yeux se sont perdus alors devant l’immensité océanique qui déferlait sous mon regard effrayé. Je sentis le vent jouer avec mes cheveux bruns, longs, tandis que j’espérais que tout se passe au mieux par l’avenir. Je souriais, malgré tout, heureuse d’être ici auprès de Kieran ; le seul amour de Shannon. Cela me réconfortait de connaître une personne qui avait au moins pu ressentir intensément de l’affection pour elle, comme moi je tentais de lui donner à l’époque où elle vivait sous le même toit. Six ans d’absence de sa part, dont quatre à cause de la vie. C’était dur ; une fatalité. Je sentis la main de Kieran sur mon avant-bras puis sur ma main, geste totalement dénué de sens pour moi qui n’était pas tactile avec les gens que je connaissais si peu. Mais cela me parût naturel.

« Pourquoi ? »

« De m’avoir fait comprendre que Shannon était restée la même. »

La meilleure sœur qu’on puisse rêver d’avoir. Mes yeux verts émeraude le regardèrent, tendrement, tandis que j’argumentais le fait que j’étais ravie qu’il soit de ma famille ; qu’il reste à jamais mon beau-frère, celui pour qui Shannon vivait, riait et dansait. Celui pour qui elle se battait. Je vis ses yeux se fermer, se rouvrir, pour finalement apercevoir un sourire sur son doux visage. Je le lui rendis, encore plus doucement qu’à l’ordinaire.

«Je… Une belle-sœur... ça me plait assez. »

J’étais soulagée que cette idéologie que je m’appliquais semble lui plaire. J’ai souri d’avantage, également amusée de la situation. Je ne pus toutefois me résoudre à lui sauter au cou ; cela aurait été mal vu, certainement, et très inattendu. Pourtant, j’aurais aimé, vraiment, effectuer un tel geste.

« Par contre je te préviens, mon frangin et ma sœur disent que je suis un emmerdeur comme grand frère. »

Je me suis mise à rire, de bon cœur.

« Ne t’en fais pas ! J’ai l’habitude des emmerdeurs. »

Je lui souris alors, plutôt contente de ce moment passé tous les deux. Il faut avouer que j’étais entouré d’hommes dans mon métier. Mais je le disais aussi par rapport à Shannon, qui était une femme très taquine. Elle aimait embêter les autres, autours d’elle. C’était une manière d’exister à travers eux, en les obligeant à rire d’une façon ou d’une autre ; bien que, parfois, je me vexais étant enfant de ses mauvaises blagues. Elle avait le don pour éviter le sérieux et me prendre au dépourvu. Elle m’avait enseigné le rire, à elle seule. Je lui en étais reconnaissante.

« Ecoute, je fini le boulot dans deux heures, si tu veux, on peut aller diner en ville ou non, j’ai mieux, viens chez moi, j’ai quelque chose à te montrer. Enfin, si tu es libre. »

Je fus surprise, sur le coup, qu’il me propose un truc pareil. Bien entendu, c’était la joie qui s’exprima sur mon visage. Je me demandais si je ressemblais à ma sœur, ne serait-ce qu’un peu ? Il paraît que je devenais son portrait craché, selon les amis de mes parents, ce qui avait eu pour effet de renforcer les moyens de séquestration de ces derniers. Quoiqu’il en soit, je ne pus qu’être joviale à l’idée de passer du temps avec Kieran, mon beau-frère à jamais.

« Je suis toujours libre pour les personnes de ma famille ! »

Dis-je sur un ton amusé, avant de rire. Je me sentais soulagée d’un certain poids, désormais. Shannon avait été heureuse et le serait à jamais. Peut-être était-ce elle qui m’avait poussée à retrouver Kieran ? J’y croyais, d’une certaine manière, en me disant qu’elle était sans doute devenue un Ange radieux.

Il ne comprenait pas, vraiment pas pourquoi elle le remerciait, c’était si inhabituel, mais la situation était tellement surréaliste qu’il ne savait plus trop comment réagir. Alors, il posait la plus simple des questions, pour avoir une réponse, après tout, plutôt que rester dans l’ignorance, il fallait agir et demander quand on était perdu, ça il l’avait appris avec le temps, lui qui était à la base quelqu’un de fier avait appris à demander de l’aide quand ça n’allait pas, pas toujours de façon convenable, mais il le faisait, parfois c’était les autres qui comprenait pas, en fait, la seule chose pour laquelle il avait refusé toute aide et même en demander, c’était pour Shannon. Il ne voulait pas d’aide, l’aide aurait voulu dire passé à autre chose, l’oublié et ça c’était hors de question pour le jeune sauveteur, il ne voulait pas l’oublier, il ne voulait pas la trahir, c’était impossible. Alors, oui, il avait fui son pays, les endroits qui lui rappelait trop Shannon, mais il n’avait pas oublié, surement pas, il avait juste eu besoin de ne plus souffrir en rentrant dans son appartement, ne plus souffrir en passant sur cette route maudite… Il n’avait pas oublié, il voulait juste moins souffrir. La voix de Keira le ramena au moment présent : « De m’avoir fait comprendre que Shannon était restée la même. » Son regard la sonda pour voir si elle disait vraiment, s’il avait pu l’aider réellement et une fois qu’il eut cru capter sa réponse, un doux sourire se forma sur ses lèvres, il acquiesça d’un geste de tête, mais ne rajouta rien de plus, que pouvait-il dire ? Rien ! Il se contenta de raffermir sa prise sur sa main quelques secondes avant de la lâcher totalement. Elle voulait être sa belle-sœur… dire qu’il était surpris aurait été un euphémisme, mais il était aussi content, content d’avoir un lien avec elle, un lien qui permettait de maintenir Shannon en vit d’une certaine manière. Il essaya de retrouver un sourire taquin, essayant de redevenir un jeune homme vivant et essayant de repousser la souffrance dans sa petite prison dans le fin fond de son esprit juste quelques temps. Alors, il taquina le jeune femme sur le fait que de l’avoir lui comme beau-frère n’allait pas être de tout repos. Bien entendu, il ne serait jamais avec elle comme il était avec Hannah, sa sœur… quoique, il ne fallait jamais dire jamais, mais il y avait peu de chance. Pauvre Hannah, en y pensant, parfois, elle devait avoir du courage pour le supporter, mais tout ceci était plus fort que lui, elle était la dernière, sa petite sœur, fragile dans son esprit qu’il fallait protéger à tout prix. Encore une fois Keira le sortie de ses pensées : « Ne t’en fais pas ! J’ai l’habitude des emmerdeurs. » Arquant un sourcil Kieran la regarda avec un sourire et un air à la foi surpris et amusé sur le visage. Elle avait le sens de la réplique, comme sa sœur, pensât-il.

« Tu vois à peine vingt-minute qu’on se connait et tu me considère déjà comme un emmerdeur, tu n’as pas fait une affaire. » dit-il toujours souriant.

Regardant sa montre, Kieran savait qu’il devait retourner à la caserne, il ne pouvait pas laisser son poste vacant plus longtemps s’il y avait une urgence, il fallait qu’il soit là, mais normalement, il ne lui restait que deux heures à tirer et ensuite il serait libre. Une pensée lui traversa l’esprit, une pensée qu’il partagea avec la jeune femme espérait de pas être trop pressant. Seulement au vue de son air ravie, il se détendit… Elle ne semblait pas contre une soirée chez lui à discuter… à ce souvenir et surtout à apprendre à ce connaitre.
« Je suis toujours libre pour les personnes de ma famille ! » Son sourire s’agrandit devant cette petite phrase si importante finalement.

« Cool ! » dit-il ne sachant comme exprimé son contentement autrement, puis finalement il poussa un soupire. « Je suis désolé, faut vraiment que j’y retourne, mais on dit dix-sept heures chez moi, je vais te donner l’adresse. » dit-il en faisant quelques pas pour retourner vers la caserne. « Tu as quelque chose pour noter ?... Oh fait pizza, italien ou chinois ? »

« I can’t change the past. But I wanna know.»

« Tu vois à peine vingt-minute qu’on se connait et tu me considère déjà comme un emmerdeur, tu n’as pas fait une affaire. »

Je ne pus m’empêcher de le regarder, droit dans les yeux, et de rire. Je ne pensais pas qu’il était nécessaire de rester trop timide, avec lui. Je préférais de loin la simplicité de la sincérité. Après tout, il avait été l’épaule solide sur laquelle Shannon se reposait ; et il avait tenu bon lorsqu’il fallait supporter ses humeurs. Je revis ma sœur qui descendait des escaliers, les cheveux en bataille et l’air de dire « Ne m’embête pas où je te mords ». C’étaient de bons moments, très agréables. Oui parce que malgré son air renfrognée et endormie, elle demeurait d’une rare beauté ; on aurait dit qu’elle était le soleil, capable d’illuminer une pièce rien qu’en sa douce présence. Je la jalousais d’être aussi belle, forte et assurée. Moi je n’étais qu’une petite part de timidité, trop fragilisée pour me montrer ; je n’illuminais personne.

«Cool ! »

Dit-il après avoir entendu ma phrase sur la famille ; s’en suivi d’un regard bref sur sa montre et d’un joli soupire. J’arborais encore mon sourire, qui se voulait attendrissant.

«Je suis désolé, faut vraiment que j’y retourne, mais on dit dix-sept heures chez moi, je vais te donner l’adresse. Tu as quelque chose pour noter ? ... Oh fait pizza, italien ou chinois ? »

Je fouillai dans mes poches et je sortis un morceau de papier et un petit stylo rose que je gardais précieusement sur moi ; parce qu’on ne savait jamais réellement ce qui pouvait nous arriver dans la vie ! Oui, j’étais plutôt du genre prévoyante. C’était une qualité qui pouvait s’arriver particulièrement agaçante de temps à autres ; je perdais un temps fou à me demander si tout était en ordre et si une catastrophe n’allait pas me tomber dessus ; Ca en était infernal, parfois, pour Shannon. Je le regardai alors et j’appuyai le bout de papier sur ma jambe tandis qu’il m’indiquait l’adresse. Je redressai ensuite mon regard sur lui, souriante.

« Mmmh… Si c’est toi qui cuisines, n’ai-je pas meilleur temps de te demander de prendre un truc à l’emporter ? Je n’aimerais pas finir aux urgences. »

Petite blague et je me mis à rire ; j’aimais bien taquiner. Ca, c’était aussi un trait de caractère de Shannon. Elle n’hésitait pas à envoyer quelques piques, bien que ce ne fusse jamais assez méchant. Je le regardai alors à nouveau.

« J’ai un faible pour la cuisine italienne. »

Précisai-je, suivi d’un léger clin d’œil amical. Je rangeai le morceau de papier et le stylo dans ma poche de jeans. Bien qu’en réalité, je n’en avais pas besoin ; J’avais une mémoire qui dépassais l’entendement. Il m’était difficile d’oublier, quoique je fasse ou dise. Chaque détail m’apparaissait comme frappant, inoubliable. C’était difficile, parfois. Je souris d’avantage.

« Je te rejoins dans deux heures alors. »

Cela relevait plus de l’affirmation que de la question ; Bien que je n’habitais pas la porte d’à côté. Cela ne faisait rien, j’étais plus que contente qu’il m’accepte ; qu’il me fasse une petite place dans sa vie. Mon sourire s’élargit, tandis que le vent jouait avec des mèches de cheveux rebelles. Il avait du travail ; Ca devait lui permettre de ne pas trop penser. Si tel était le cas, j’étais la même personne. A croire que Shannon nous avait réunis pour que l’on puisse parler d’elle ; pour qu’on ne l’oublie jamais mais tout en retrouvant en semblant de paix en nous-mêmes.